vendredi 1 octobre 2010

Film School - Fission (2010, Hi-Speed Soul)

Après deux albums déjà remarquables, mais souffrant peut-être d'un certain manque d'unité, due à la présence de titres, minoritaires, moins marquants, Film School fait cette fois carton plein avec ce Fission aux airs de standard dreamy-shoegaze à la fois d'époque et entièrement actuel, souvent alerte et truffé de morceaux de belle facture.

Greg Bertens et ses quatre collègues livrent en effet une collection convaincante de titres à la fois sucrés et acidulés, mêlant dream-pop et noisy-pop ou les dissociant, c'est selon, avec la maitrise et l'expérience d'une formation installée.
En résultent des chansons dreamy piquantes comme Time to listen, après un début de haute volée composé de Heart Full of Pentagons, nerveux et rythmé, à la dualité vocal intéressante, et d'un When I'm yours aux motifs sonores ingénieux. L'équilibre entre mélodies de choix et forces de frappe sonique est aisément trouvé, et le reste de l'opus ne faiblira en aucune façon, amorcé par Waited et ses sautes d'humeur à la My Bloody Valentine, autre réussite d'un essai qui ne compte d'ailleurs que ça.
Même lorsque le groupe se fait plus "clair", moins ouvertement sonique, il réussit sa sortie (Meet around 10), pour ensuite se hisser au niveau du Ride de Nowhere le temps d'un excellent Direct, à l'étayage une fois de plus chatoyant.

On en arrive alors à la seconde partie de Fission, et un Still might aux motifs synthétiques aériens l'inaugure brillamment, sur fond de chant doux, avant que Distant life, plus rapide et porté par des flux noisy décisifs, n'ajoute à l'intérêt de l'ensemble. Intérêt qu'exacerbe Sunny day, doucereux dans le chant mais tendu d'un point de vue instrumental, qui trouve en Bones sa parfaite suite positionnée entre délicatesse pop et rudesse rock, de façon alternée et plutôt habile.

Quant à la fin de l'opus, entre un Nothing's mine lancinant, élégant et doté d'envolées belliqueuses, et ce Find you out pop-rock magistral, elle s'avère être au diapason du tout, qui permet à Film School d'accéder au statut de référence dreamy-shoegaze, et fera à coup sur partie des albums les plus en vue de l'année.
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TRACKLISTING:
01. Heart Full Of Pentagons
02. When I'm Yours
03. Time To Listen
04. Waited
05. Meet Around 10
06. Direct
07. Still Might
08. Distant Life
09. Sunny Day
10. Bones
11. Nothing's Mine
12. Find You Out

Le Myspace de Film School

dimanche 8 août 2010

Blurt - Smoke time (Toeblocks Recordings, 1987)

Le poète et musicien Ted Milton fait partie, avec son trio Blurt, de ces artistes à la discographie fournie, consistante tant dans la qualité que dans la quantité, à l'esprit aventurier, expérimental, et en apporte la preuve sur cet album flamboyant. Comme sur son opus éponyme, le second de tous, il allie free-jazz au saxo libéré, énergie punk et rythmes débridés (The Body That They Built To Fit The Car) ou plus "africains", et crée un style qui lui est propre.
Epaulé par Paul Wigens: drums & violin, et Steve Eagles: guitar, il démarre d'ailleurs de façon saccadée et complètement indépendante de tout format, sur Smoke Time, assez machinal, pour ensuite proposer un Nights before aussi martial que dépaysant, sans y perdre de sa cohérence. Sa musique, puissante et rageuse, porte le cachet d'une classe énorme, et frappe un grand coup en cette époque dédiée à la new-wave.

Sur Bullet-proof vest, on trouve ces intonations africaines, sur un rythme plus délié, mais le fond reste menaçant, sous-tendu par des guitares qu'on sent au bord de l'implosion. Le saxo gardant, lui, une orientation free des plus seyantes. Puis c'est un titre chanté en Français, Aboule ton fric, digne des meilleurs moments d'Orchestre Rouge, qui complète l'ouvrage dans l'extravagance vocale et selon une trame posée, ceci avant que Through by you, lancinant, porteur d'une ambiance glacée semblable à celles que développait Sonic Youth à ses débuts, ne mette fin à la première face de Smoke Time.

L'essai est donc déjà de haute volée, et Congregate, vif et racé, en amorce la seconde partie de belle manière, entre déchirures du saxo et sagesse trompeuse, mais élégante, de l'arrière-plan sonore. Après cela, c'est un très cold et très post-punk, de par ses guitares, The Body That They Built To Fit The Car qui se met à son tour en avant. Energique, animé autant par ces guitares à la Geordie de Killing Joke que par un saxo volubile, il précède un Schadenfreude froid, electro dans son rythme, dépouillé, tout aussi bon et unique. Et pour finir, The Tree Is Dead, Long Live The Tree, sur un format plus long, associe folie vocale et musicale et détente afro, pour achever ce Smoke Time de haute volée avec brio.

Un excellent album donc, un de plus, pour le trio, d'ailleurs encore en activité à l'heure actuelle et programmé fin août au Rhythm festival de Bedford.
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TRACKLISTING:
A1. Smoke Time
A2. Nights Before
A3. Bullet-Proof West
A4. Aboule Ton Fric
A5 Through By You
B1. Congregate
B2. The Body That They Built To Fit The Car
B3. Schadenfreude
B4. The Tree Is Dead, Long Live The Tree

Le Myspace de Blurt
Le Site de Blurt

samedi 7 août 2010

The Wolfgang Press - The legendary Wolfgang Press and other tall stories (1985, 4AD)

"Incasable", intrigant et captivant, très vite signé par 4AD, The Wolfgang Press, trio Anglais, compile ici ses trois premiers EP's, sur lesquels interviennent, il faut le souligner, Elizabeth Frazer et Robin Guthrie, de Cocteau Twins, sur trois titres à eux deux.

C'est dire la singularité de l'univers d'Allen, Cox et Gray, qui naviguent à vue entre entrelacs synthétiques prenants (I'm coming home (mama)), morceau d'ouverture lugubre à l'ambiance froide et répétitive (The deep briny), et plages saccadées (Tremble (my girl doesn't)) réminiscentes des travaux des...Cocteau Twins des débuts, justement, en un peu plus rageur. On tombe ensuite sur un Heart of stone qu'on pourrait qualifier de cold/new-wave sur lequel la basse se met en évidence, de même que les percus de Manuela Zwingmann, puis un Respect aux voix qui se répondent, l'une masculine, l'autre féminine (il s'agit d'Elizabeth Frazer), et qui créent un bel effet pendant que le morceau, assez direct, exhale une new-wave vive entre rock et claviers aux motifs récurrents.

Il y a aussi une très légère touche goth sur ce recueil, à l'occasion de My way, aux chants une fois encore associés. Un titre haché, noir, mais aussi énergique, qui porte le sceau d'un climat que la formation a elle-même instauré.
Sur Muted et après le I'm coming home (mama) évoqué plus haut, une atmosphère grinçante à la Killing Joke (celui de Fire Dances), à la différence que sur cette plage, ce sont les claviers qui dominent, s'impose et perdure jusqu'à la fin, puis Deserve présente une rythmique mécanique à laquelle viennent se greffer ces claviers insistants et des guitares acérées. The Wolfgang Press ne suit jamais réellement la même voie, s'en tenant cependant à des trames obscures, et parvient à imposer sa patte tout en diversifiant son panel d'ambiances.

C'est ainsi que sur Sweatbox, c'est quasiment un morceau electro-cold, nouvelle réussite éclatante et originale, qui nous est livré, tandis que Fire eater, plus massif et tout aussi indépendant de tout style précis, animé par des riffs issus..d'un synthé, si je ne m'abuse, conclut la première dizaine de titres de cette compilation d'EPs de haut niveau. Ecstasy, d'abord dans la retenue, enjolivé par la trompette de Eddie "tan tan" Thriller, et qui gardera ce côté bridé, mais intense, jusqu'à sa fin, en l'intensifiant toutefois sur sa dernière minute, parachevant une oeuvre à l'image de bon nombre de productions 4AD: insoumise, déjantée, créative et indispensable.
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TRACKLISTING:
side A
The Deep Briny
Tremble (My Girl Doesn't)
Heart Of Stone
Respect
My Way
I'm Coming Home (Mama)

side B
Muted
Deserve
Sweatbox
Fire-eater
Ecstasy


Le Site non-officiel de The Wolfgang Press

The Wolfgang Press sur le site de 4AD

Ian Dury - New boots and painties !! (1977, Stiff)

Premier et fameux album de l'Anglais Ian Dury, ce New boots and painties maintes fois réédité est une véritable pièce maitresse du bonhomme, au début paisible et enjôleur (Un Wake up and make love with me funky puis Sweet Gene Vincent, posé, élégant, fort d'une classe british inégalable...qui s'emporte ensuite de façon inattendue et offre une seconde partie nettement plus punky, mais mélodique, à l'effet saisissant) qui monte ensuite en puissance jusqu'à se hisser parmi les tous meilleurs albums britanniques toutes décennies comprises.

On ne s'en étonne nullement à l'écoute de I'm partial to your abracadabra, bel exemple de l'esprit de Dury, entre distinction et attitude plus "sale", et de tout le reste de cet album qui n'inclut que des titres forts. My old man, assez tranquille, permet de comprendre de façon crainte et précise où le Blur de Damon Albarn est allé puiser son inspiration, de même que Billericay Dickey, plus follichon, déjanté façon Tom Waits, guilleret aussi, qui met fin à la première face de cet opus majeur.

On en arrive donc à la face B, que Clevor Trever, mené par la basse de Norman Watt-Roy, rondelette, introduit brillamment, de façon à la fois inédite sur le plan du style, difficile à définir, et détendue dans l'exécution. Chaz Jankel y allant de son petit solo, court et décisif, mais aussi de ses envolées de claviers non-moins primordiales. Les musiciens ont trouvé une belle cohérence, ce qu'illustre également If I was with a woman, lui aussi indéfinissable; on y trouve des soubresauts funk, la nervosité du rock, des mélodies pop, mais on ne peut le catégoriser de façon précise, et c'est ce qui fait la force de Dury, qui tape dans le mille et innove en même temps qu'il synthétise ce qu'il a derrière lui en termes de courants musicaux et précède ce qui viendra après.

Arrive alors le très punk Blockheads, enragé, qui fait la nique aux Sex Pistols la même année où sort leur légendaire Nevermind the bollocks. A ceci près qu'ici, le propos s'accompagne d'envolées de Moog, signées Geoff Castle, magistrales et déglinguées.
On reste dans ce registre à l'énergie punk sur Plaistow Patricia, où le saxo de Davey Payne se distingue, et sur Blackmail man, débridé, braillard et jouissif, avec son embardée elle aussi déjantée, basée sur...le saxo ou les claviers -on ne sait plus tellement les sons qui en sortent ne ressemblent à rien de déjà entendu-, qui met fin dans la furie à un disque indispensable, historique même, que je ne peux que vous recommander chaleureusement.
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TRACKLISTING:

Side One

  1. "Wake Up and Make Love With Me" – 4:23
  2. "Sweet Gene Vincent" – 3:33
  3. "I'm Partial to Your Abracadabra" – 3:13
  4. "My Old Man" (Dury, Steve Nugent) – 3:40
  5. "Billericay Dickie" (Dury, Nugent) – 4:17

Side Two

  1. "Clevor Trever" – 4:53
  2. "If I Was With a Woman" – 3:24
  3. "Blockheads" – 3:30
  4. "Plaistow Patricia" (Dury, Nugent) – 4:13
  5. "Blackmail Man" (Dury, Nugent) – 2:14
Le Myspace de Ian Dury

Le Site de Ian Dury

samedi 29 mai 2010

Helmet-Betty (1994, Interscope Records)


Succédant à l'énorme Meantime, ce Betty marque l'apparition, plus prononcée encore, de parties mélodiques, ainsi que l'expérimentation voulue par Hamilton sur certains titres. La puissance de feu des débuts n'est bien sur pas omise (I know, imparable, un Tic positivement pesant), et l'alliage de ces options, s'il déstabilise dans un premier temps, débouche sur un album une fois encore irréprochable.

Entre puissance mélodieuse en ouverture (un génial Wilma's rainbow), une morceau lourd aux relents funky doté d'une basse énorme (Biscuits for smut, un hymne), riffs de feu (Milquetoast), coups de boutoir quasi-hardcore (Rollo et sa batterie tout en roulements, terrible), une série de titres bien équilibrés entre mélodies et force de frappe incoercible (Street crab, Clean, Vaccination) et une fin d'album au cours de laquelle Helmet se permet, souvent avec réussite, une certaine prise de risques (le jazz bruitiste de Beautiful lover, les penchants noisy-funky/hip-hop déviants de The silver hawaiian, puis le folk déjanté de Sam hell en conclusion), ce Betty constitue une oeuvre à part, jamais conventionnelle, et se situe dans l'exact prolongement, maitrisé et novateur, de Meantime.

Réussite totale donc, une de plus à mettre à l'actif d'un groupe décalé, insoumis et dont l'inusable leader, Page Hamilton, porte encore fièrement la bannière à l'heure actuelle.
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TRACKLISTING:
1. Wilma's rainbow 2. I know 3. Biscuits for smut 4. Milquetoast 5. Tic 6. Rollo 7. Street crab 8. Clean 9. Vaccination 10. Beautiful love 11. Speechless 12. The silver hawaiian 13. Overrated 14. Sam hell

Le Myspace d'HELMET
Le site d'HELMET

lundi 5 avril 2010

Cocteau Twins-Garlands (1982 puis 1984 [réédition],4AD)


A l'instar de Dead Can Dance avec un premier album éponyme génial, le Cocteau Twins de Robin Guthrie et Elisabeth Frazer s'est rendu "coupable", en ses débuts, d'un opus cold absolument remarquable, unique et captivant de bout en bout, avant d'opter ensuite pour des ambiances plus éthérées et tout aussi passionnantes.
Sur ces huit titres, plus quatre issues de Peel Sessions, la voix profonde et aérienne de Liz envoûte et se marie aux guitares vrillées de Guthrie, Will Heggie portant le tout de ses lignes de basse à la Simon Gallup, froides et prenantes. On dit souvent qu'il s'agit là du Pornography des Cocteau et à l'écoute, le rapprochement n'est nullement usurpé, loin s'en faut. Les titres-phare pleuvent, avec en figure de proue un Wax and wane splendide, et l'on retrouve également, par le biais des guitares de Guthrie, le climat du Fire dances de Killing Joke. La magie opère dès Blood bitch, une boite à rythmes sèche venant surplomber l'ensemble, et l'alchimie, le style du trio impose sa singularité pour venir prendre place marmi les touts meilleurs de la vague cold d'alors. Cocteau Twins fait dans le glacial céleste (Shallow then halo) et charme autant qu'il opresse ou inquiète de par ses tonalités froides et opaques. La sensation qui se dégage de ce disque engendre une forme de dépendance, d'état "autre" dont on ne veut/peut plus s'extirper, et que prolongent irémmédiablement l'énorme Garlands, presque enjoué en comparaison du reste (quoique...) et un Grail overfloweth lancinant, leste, magique.
A peine remis, ou plutôt encore complètement imergé, dans ces compos sans équivalent, les Peel Sessions et ce Dear heart massif étendent le voyage mental (on a même parlé de "surf mental", plus tard, au moment du magnifique Heaven or Las Vegas), la plongée dans de délicieuses abimes dont le rythme s'intensifie sur Hearsay please, l'un de mes préférés, sur lequel Liz chante de façon intense et fiévreuse.
Puis sur Speak no evil, qui marque le retour à la partie studio, le tempo se modère, revenant à la trame la plus récurrente du trio, avant de s'emballer sur l'ultime morceau, Perhaps some other aeon, à l'issue duquel il n'est plus permis de douter de la personnalité singulière de Cocteau Twins, dont on verra, sur les efforts à venir, qu'elle est de plus évolutive et engendre un résultat immanquablement merveilleux, loin de tout souci de normalité et de toute démarche conventionnelle.
Indispensable, s'il était encore besoin d'en faire le rappel...
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TRACKLISTING:
1 Blood bitch
2 Wax and wane
3 But I'm not
4 Blind dumb deaf
5 Shallow then hallo
6 The hollow men
7 Garlands
8 Grail overfloweth
9 Dear heart (John Peel Session)
10 Hearsay please (John Peel session)
11 Hazel (John Peel session)
12 Blind dumb deaf (John Peel session)
13 Speak no evil
14 Perhaps some other aeon
Le site de Cocteau Twins

jeudi 4 mars 2010

Lou Rhodes-One good thing (Motion Audio/Ninja Tune, 15 mars 2010)

Une fois n'est pas coutume, je change quelque peu de registre, s'agissant du site en présence, avec le superbe One Good Thing, superbe troisième album solo de Lou Rhodes, chanteuse au sein de Lamb.

L'Anglaise y dévoile onze pépites folk d'une pureté exceptionnelle, parfois "accidentées" (Circles, sombre et inquiétant), chantées d'une superbe voix et agrémentées d'une acoustique qui dès One Good Thing, le morceau d'ouverture, scintille de mille feux. Sobres, les compositions de la demoiselle se parent de sonorités éparses et marquantes, ou de cordes majestueuses comme sur cette entrée en matière de haute tenue, mais c'est bel et bien le dénuement, la mise à nu, qui prédomine ici. A la fois obscur et lumineux (The More I Run), fort de cette guitare boisée enjoleuse (It All), l'univers lié à ce One Good Thing envoûte et apaise, tout en offrant un chant saisissant, émotionnel, sans fard, comme sur le magique Melancholy Me. Lou, visiblement partagée entre espoir (Magic Day) et résignation (Why Wait For Heaven?), met ses ressentis en musique avec maestria, s'appuyant pour cela sur une indéfectible passion et une sincérité à toute épreuve. Et les traits d'obscurité qui jalonnent son oeuvre (la fin, notamment, de Why Wait For Heaven) laissent à penser que si la traduction sonore de sentiments divers ne l'a pas totalement apaisée, elle lui a en tout cas permis la réalisation d'un album cathartique et magnifique, de tout premier ordre.
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TRACKLISTING:
01. One Good Thing
02. There For The Taking
03. The More I Run
04. It All
05. Janey
06. Circles
07. Magic Day
08. The Ocean (Time Traveller's Wife)
09. Melancholy Me
10. Baby
11. Why Wait For Heaven

Le Myspace de Lou Rhodes
Le site de Lou Rhodes