samedi 9 août 2014

Los Carayos "Au prix où sont les courges..." (1990, Boucherie Prod)

Une fois n'est pas coutume, c'est aujourd'hui notre scène indé 80's et 90's, florissante, qui est mise à l'honneur. Los Carayos -"supergroupe" incluant, tout de même, Schulz de Parabellum, Manu Chao, François Hadji-Lazaro, Alain Wampas et Tonio Chao, l'aura marquée, de façon temporaire mais bien réelle avec cet album aux confins de toutes les tendances explorées à l'époque. Chansons "folklo", punk, rock et rockab' y voisinent sans dommages et le talent des intervenants, dont un Hadji-Lazaro toujours impressionnant par sa capacité à jouer de tout, fait la différence. "Ils ont osé!" et "Persistent et signent" auront, en 86 et 87, déjà démontré la valeur d'une confrérie musicale basée sur l'entraide et le do it yourself, mais cet opus constitue l'aboutissement, brillant et bigarré, d'une aventure commune productive.

On sent d'ailleurs sur ses douze titres l'esprit de la "Mano" et du moment tout court, on passe sans vergogne de titres cadencés (Carburador et son acoustique nerveuse) à des essais posés et classieux, au charme rétro (Walking alone), tout le monde sans exception prend part à l'écriture, de façon quasi-égale et même encore à l'heure actuelle, l'écoute génère son pesant de plaisir et une nostalgie prégnante. Avec en plus de ça l'envie tenace de se replonger dans les discos généreuses des formations-phare d'alors:  Hot Pants, Garçons Bouchers, Happy Drivers et j'en passe...
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TRACKLISTING:
1. Drowsie Maggie
2. L’Escalier
3. Sit Alone
4. Ai Vai
5. Chicoutimi
6. Mama
7. Mustapha
8. Drunken Down
9. Carburador
10. Walking Alone
11. Emmylou
12. Juanita Y Paquita

vendredi 8 août 2014

Merchandise "Children of desire" (2012, Katorga Works)

C'est cette fois Modzik, ma revue très mode et trop peu zik préférée, qu'il faut "créditer" pour cette découverte issue de Tampa, en Floride, signée depuis peu sur 4AD, ce qui est "loin d'être rien", et sur le point de sortir son premier long jet sur ce label mythique.

En préambule, je vous présente leur second EP, Children of desire, qui les rapproche des Horrors et allie morceaux courts et essais avoisinant les dix minutes, parfois agrémentées de giclées d'orgue (Become what you are) décisives.

Passé une intro intitulée Thin air qu'on aurait aimée plus accomplie, moins brève et qui ne préfigure qu'assez peu de l'orientation du quintet, Time marie new-wave et lyrisme fiévreux, puis on se "fade" le Become what you are phénoménal cité plus haut. L'affaire est bien engagée, on sent un potentiel de taille et ledit morceau dégage une sensibilité mélodique louable couplée à des accélérations, et des dérapages sonores, des plus acceptables. Deux titres de durée classique et d'un contenu post-punk/shoegaze pour le premier (In nightmare room), nettement plus psyché pour le second (Satellite) distinguent ensuite les futurs auteurs d'After the end, puis la conclusion échoit à un dernier long format, Roser park., entre shoegaze sonique à souhait (on pense à Ride, c'est dire la fiabilité du rendu) et derniers instants plus "orchestraux".
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TRACKLISTING:

1. Thin air
2. Time
3. Become what you are
4. In nightmare room
5. Satellite
6. Roser park

Site Merchandise

dimanche 17 juillet 2011

Ela Orleans/Dirty Beaches "Double feature" (2011, La Station Radar-Atelier Ciseaux-Night people records-Wet hair)

La Station Radar et Atelier Ciseaux font partie de ces précieuses structures hexagonales, comme A tant rêver du roi ou Herzfeld, dont l'esprit et les sorties, décalées, non-conventionnelles, sont d'un apport considérable. Le dernier fait d'armes de ces labels unit donc Ela Orleans et Dirty Beaches, déjà "armé" d'un superbe album intitulé Badlands, pour un split LP magnifique. La première nommée, d'origine polonaise et habituée aux collaborations, maintenant basée à New York, inaugure donc les festivités avant son ami Alex Zhang Hungtai, et instaure sur ses six titres des climats prenants, moins poisseux que ceux de Dirty beaches mais aussi dignes d'intérêt.

De Hope lange, court morceau introductif au piano, trop court pour marquer les esprits, Ela évolue vers des compos émaillées de sons déviants, soulignés par sa voix brumeuse (Neverend), qui mélangent beauté floue et étayage sonore sobre et dérangeant. La recette prend et la trame posée de Somewhere, le troisième morceau, prend l'auditeur dans ses filets par le biais d'une vaporeuse grâce. Puis Vertigo préfigure, en interlude élégant mais dégingandé, le shoegaze d'In the night. Des mélopées soignées émergent de ce canevas "nuageux" et ici encore, le clair et l'obscur, le mélodique et le dissonnant voisinent avec harmonie. L'amorce electro de I know peut alors préparer le terrain pour un dernier titre plus "épais" et plus rythmé, mais aussi a-normal et jouissif que le reste, toujours orné de scories shoegaze dans la voix et l'ornement, puis pour Dirty Beaches. L'essai est réussi et on peut alors s'adonner, déjà conquis, à l'écoute des travaux d'une des plus belles révélations récentes.

Hungtai se situe dans l'exacte lignée de Badlands et offre sur ce split six morceaux influencés par Suicide, le premier, l'alerte God speed, nous mettant d'emblée sur la voie d'un rock d'obédience Rev/Vega, avant Crosses qui reprend superbement les notes de guitare, et le climat, d'Halloween de Sonic Youth. Cette atmosphère lancinante, qui rappelle donc le Sonic Youth première période, vient compléter l'allant de la première plage et étayer le propos de le Taiwanais de naissance avec maestria. Puis Death valley, dans le même esprit, expérimental, jalonné par de brèves notes bluesy, démontre à son tour l'habileté du bonhomme dans la construction de pièces musicales sans règles et enthousiasmantes.

On revient ensuite, sur Don't let the devil F, à des intonations à la Suicide, jouissives, dotées de la même folie vocale et sonore, dont se dégage la même beauté tourmentée que chez Ela Orleans. Après cela, le plus saccadé A train, presque indus de par la répétition de ses motifs, obsédant, complète l'oeuvre avec le même aplomb. Puis L train, sorte d'indus-jazz assez unique, valide une palette musicale large et constamment inspirée, digne de l'opus de Dirty beaches et qui le voit, en même temps qu'il permet un split LP parfait, étendre la portée de ses créations sonores.

Excellent disque donc, à l'image de ce que les deux "boites" françaises ont l'habitude de mettre en place, qui incite à leur découverte et à l'écoute de leurs autres sorties.
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TRACKLISTING:

FACE A : Ela Orleans

1. Tides and Shadows
2. Neverend
3. Somewhere
4. Vertigo
5. In the night
6. I know

FACE B : Dirty Beaches

7. God speed
8. Crosses
9. Death valley
10. Don't let the devil find you
11. L train
12. A train

Site La Station Radar

Site Atelier Ciseaux

vendredi 1 octobre 2010

Film School - Fission (2010, Hi-Speed Soul)

Après deux albums déjà remarquables, mais souffrant peut-être d'un certain manque d'unité, due à la présence de titres, minoritaires, moins marquants, Film School fait cette fois carton plein avec ce Fission aux airs de standard dreamy-shoegaze à la fois d'époque et entièrement actuel, souvent alerte et truffé de morceaux de belle facture.

Greg Bertens et ses quatre collègues livrent en effet une collection convaincante de titres à la fois sucrés et acidulés, mêlant dream-pop et noisy-pop ou les dissociant, c'est selon, avec la maitrise et l'expérience d'une formation installée.
En résultent des chansons dreamy piquantes comme Time to listen, après un début de haute volée composé de Heart Full of Pentagons, nerveux et rythmé, à la dualité vocal intéressante, et d'un When I'm yours aux motifs sonores ingénieux. L'équilibre entre mélodies de choix et forces de frappe sonique est aisément trouvé, et le reste de l'opus ne faiblira en aucune façon, amorcé par Waited et ses sautes d'humeur à la My Bloody Valentine, autre réussite d'un essai qui ne compte d'ailleurs que ça.
Même lorsque le groupe se fait plus "clair", moins ouvertement sonique, il réussit sa sortie (Meet around 10), pour ensuite se hisser au niveau du Ride de Nowhere le temps d'un excellent Direct, à l'étayage une fois de plus chatoyant.

On en arrive alors à la seconde partie de Fission, et un Still might aux motifs synthétiques aériens l'inaugure brillamment, sur fond de chant doux, avant que Distant life, plus rapide et porté par des flux noisy décisifs, n'ajoute à l'intérêt de l'ensemble. Intérêt qu'exacerbe Sunny day, doucereux dans le chant mais tendu d'un point de vue instrumental, qui trouve en Bones sa parfaite suite positionnée entre délicatesse pop et rudesse rock, de façon alternée et plutôt habile.

Quant à la fin de l'opus, entre un Nothing's mine lancinant, élégant et doté d'envolées belliqueuses, et ce Find you out pop-rock magistral, elle s'avère être au diapason du tout, qui permet à Film School d'accéder au statut de référence dreamy-shoegaze, et fera à coup sur partie des albums les plus en vue de l'année.
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TRACKLISTING:
01. Heart Full Of Pentagons
02. When I'm Yours
03. Time To Listen
04. Waited
05. Meet Around 10
06. Direct
07. Still Might
08. Distant Life
09. Sunny Day
10. Bones
11. Nothing's Mine
12. Find You Out

Le Myspace de Film School

dimanche 8 août 2010

Blurt - Smoke time (Toeblocks Recordings, 1987)

Le poète et musicien Ted Milton fait partie, avec son trio Blurt, de ces artistes à la discographie fournie, consistante tant dans la qualité que dans la quantité, à l'esprit aventurier, expérimental, et en apporte la preuve sur cet album flamboyant. Comme sur son opus éponyme, le second de tous, il allie free-jazz au saxo libéré, énergie punk et rythmes débridés (The Body That They Built To Fit The Car) ou plus "africains", et crée un style qui lui est propre.
Epaulé par Paul Wigens: drums & violin, et Steve Eagles: guitar, il démarre d'ailleurs de façon saccadée et complètement indépendante de tout format, sur Smoke Time, assez machinal, pour ensuite proposer un Nights before aussi martial que dépaysant, sans y perdre de sa cohérence. Sa musique, puissante et rageuse, porte le cachet d'une classe énorme, et frappe un grand coup en cette époque dédiée à la new-wave.

Sur Bullet-proof vest, on trouve ces intonations africaines, sur un rythme plus délié, mais le fond reste menaçant, sous-tendu par des guitares qu'on sent au bord de l'implosion. Le saxo gardant, lui, une orientation free des plus seyantes. Puis c'est un titre chanté en Français, Aboule ton fric, digne des meilleurs moments d'Orchestre Rouge, qui complète l'ouvrage dans l'extravagance vocale et selon une trame posée, ceci avant que Through by you, lancinant, porteur d'une ambiance glacée semblable à celles que développait Sonic Youth à ses débuts, ne mette fin à la première face de Smoke Time.

L'essai est donc déjà de haute volée, et Congregate, vif et racé, en amorce la seconde partie de belle manière, entre déchirures du saxo et sagesse trompeuse, mais élégante, de l'arrière-plan sonore. Après cela, c'est un très cold et très post-punk, de par ses guitares, The Body That They Built To Fit The Car qui se met à son tour en avant. Energique, animé autant par ces guitares à la Geordie de Killing Joke que par un saxo volubile, il précède un Schadenfreude froid, electro dans son rythme, dépouillé, tout aussi bon et unique. Et pour finir, The Tree Is Dead, Long Live The Tree, sur un format plus long, associe folie vocale et musicale et détente afro, pour achever ce Smoke Time de haute volée avec brio.

Un excellent album donc, un de plus, pour le trio, d'ailleurs encore en activité à l'heure actuelle et programmé fin août au Rhythm festival de Bedford.
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TRACKLISTING:
A1. Smoke Time
A2. Nights Before
A3. Bullet-Proof West
A4. Aboule Ton Fric
A5 Through By You
B1. Congregate
B2. The Body That They Built To Fit The Car
B3. Schadenfreude
B4. The Tree Is Dead, Long Live The Tree

Le Myspace de Blurt
Le Site de Blurt

samedi 7 août 2010

The Wolfgang Press - The legendary Wolfgang Press and other tall stories (1985, 4AD)

"Incasable", intrigant et captivant, très vite signé par 4AD, The Wolfgang Press, trio Anglais, compile ici ses trois premiers EP's, sur lesquels interviennent, il faut le souligner, Elizabeth Frazer et Robin Guthrie, de Cocteau Twins, sur trois titres à eux deux.

C'est dire la singularité de l'univers d'Allen, Cox et Gray, qui naviguent à vue entre entrelacs synthétiques prenants (I'm coming home (mama)), morceau d'ouverture lugubre à l'ambiance froide et répétitive (The deep briny), et plages saccadées (Tremble (my girl doesn't)) réminiscentes des travaux des...Cocteau Twins des débuts, justement, en un peu plus rageur. On tombe ensuite sur un Heart of stone qu'on pourrait qualifier de cold/new-wave sur lequel la basse se met en évidence, de même que les percus de Manuela Zwingmann, puis un Respect aux voix qui se répondent, l'une masculine, l'autre féminine (il s'agit d'Elizabeth Frazer), et qui créent un bel effet pendant que le morceau, assez direct, exhale une new-wave vive entre rock et claviers aux motifs récurrents.

Il y a aussi une très légère touche goth sur ce recueil, à l'occasion de My way, aux chants une fois encore associés. Un titre haché, noir, mais aussi énergique, qui porte le sceau d'un climat que la formation a elle-même instauré.
Sur Muted et après le I'm coming home (mama) évoqué plus haut, une atmosphère grinçante à la Killing Joke (celui de Fire Dances), à la différence que sur cette plage, ce sont les claviers qui dominent, s'impose et perdure jusqu'à la fin, puis Deserve présente une rythmique mécanique à laquelle viennent se greffer ces claviers insistants et des guitares acérées. The Wolfgang Press ne suit jamais réellement la même voie, s'en tenant cependant à des trames obscures, et parvient à imposer sa patte tout en diversifiant son panel d'ambiances.

C'est ainsi que sur Sweatbox, c'est quasiment un morceau electro-cold, nouvelle réussite éclatante et originale, qui nous est livré, tandis que Fire eater, plus massif et tout aussi indépendant de tout style précis, animé par des riffs issus..d'un synthé, si je ne m'abuse, conclut la première dizaine de titres de cette compilation d'EPs de haut niveau. Ecstasy, d'abord dans la retenue, enjolivé par la trompette de Eddie "tan tan" Thriller, et qui gardera ce côté bridé, mais intense, jusqu'à sa fin, en l'intensifiant toutefois sur sa dernière minute, parachevant une oeuvre à l'image de bon nombre de productions 4AD: insoumise, déjantée, créative et indispensable.
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TRACKLISTING:
side A
The Deep Briny
Tremble (My Girl Doesn't)
Heart Of Stone
Respect
My Way
I'm Coming Home (Mama)

side B
Muted
Deserve
Sweatbox
Fire-eater
Ecstasy


Le Site non-officiel de The Wolfgang Press

The Wolfgang Press sur le site de 4AD

Ian Dury - New boots and painties !! (1977, Stiff)

Premier et fameux album de l'Anglais Ian Dury, ce New boots and painties maintes fois réédité est une véritable pièce maitresse du bonhomme, au début paisible et enjôleur (Un Wake up and make love with me funky puis Sweet Gene Vincent, posé, élégant, fort d'une classe british inégalable...qui s'emporte ensuite de façon inattendue et offre une seconde partie nettement plus punky, mais mélodique, à l'effet saisissant) qui monte ensuite en puissance jusqu'à se hisser parmi les tous meilleurs albums britanniques toutes décennies comprises.

On ne s'en étonne nullement à l'écoute de I'm partial to your abracadabra, bel exemple de l'esprit de Dury, entre distinction et attitude plus "sale", et de tout le reste de cet album qui n'inclut que des titres forts. My old man, assez tranquille, permet de comprendre de façon crainte et précise où le Blur de Damon Albarn est allé puiser son inspiration, de même que Billericay Dickey, plus follichon, déjanté façon Tom Waits, guilleret aussi, qui met fin à la première face de cet opus majeur.

On en arrive donc à la face B, que Clevor Trever, mené par la basse de Norman Watt-Roy, rondelette, introduit brillamment, de façon à la fois inédite sur le plan du style, difficile à définir, et détendue dans l'exécution. Chaz Jankel y allant de son petit solo, court et décisif, mais aussi de ses envolées de claviers non-moins primordiales. Les musiciens ont trouvé une belle cohérence, ce qu'illustre également If I was with a woman, lui aussi indéfinissable; on y trouve des soubresauts funk, la nervosité du rock, des mélodies pop, mais on ne peut le catégoriser de façon précise, et c'est ce qui fait la force de Dury, qui tape dans le mille et innove en même temps qu'il synthétise ce qu'il a derrière lui en termes de courants musicaux et précède ce qui viendra après.

Arrive alors le très punk Blockheads, enragé, qui fait la nique aux Sex Pistols la même année où sort leur légendaire Nevermind the bollocks. A ceci près qu'ici, le propos s'accompagne d'envolées de Moog, signées Geoff Castle, magistrales et déglinguées.
On reste dans ce registre à l'énergie punk sur Plaistow Patricia, où le saxo de Davey Payne se distingue, et sur Blackmail man, débridé, braillard et jouissif, avec son embardée elle aussi déjantée, basée sur...le saxo ou les claviers -on ne sait plus tellement les sons qui en sortent ne ressemblent à rien de déjà entendu-, qui met fin dans la furie à un disque indispensable, historique même, que je ne peux que vous recommander chaleureusement.
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TRACKLISTING:

Side One

  1. "Wake Up and Make Love With Me" – 4:23
  2. "Sweet Gene Vincent" – 3:33
  3. "I'm Partial to Your Abracadabra" – 3:13
  4. "My Old Man" (Dury, Steve Nugent) – 3:40
  5. "Billericay Dickie" (Dury, Nugent) – 4:17

Side Two

  1. "Clevor Trever" – 4:53
  2. "If I Was With a Woman" – 3:24
  3. "Blockheads" – 3:30
  4. "Plaistow Patricia" (Dury, Nugent) – 4:13
  5. "Blackmail Man" (Dury, Nugent) – 2:14
Le Myspace de Ian Dury

Le Site de Ian Dury

samedi 29 mai 2010

Helmet-Betty (1994, Interscope Records)


Succédant à l'énorme Meantime, ce Betty marque l'apparition, plus prononcée encore, de parties mélodiques, ainsi que l'expérimentation voulue par Hamilton sur certains titres. La puissance de feu des débuts n'est bien sur pas omise (I know, imparable, un Tic positivement pesant), et l'alliage de ces options, s'il déstabilise dans un premier temps, débouche sur un album une fois encore irréprochable.

Entre puissance mélodieuse en ouverture (un génial Wilma's rainbow), une morceau lourd aux relents funky doté d'une basse énorme (Biscuits for smut, un hymne), riffs de feu (Milquetoast), coups de boutoir quasi-hardcore (Rollo et sa batterie tout en roulements, terrible), une série de titres bien équilibrés entre mélodies et force de frappe incoercible (Street crab, Clean, Vaccination) et une fin d'album au cours de laquelle Helmet se permet, souvent avec réussite, une certaine prise de risques (le jazz bruitiste de Beautiful lover, les penchants noisy-funky/hip-hop déviants de The silver hawaiian, puis le folk déjanté de Sam hell en conclusion), ce Betty constitue une oeuvre à part, jamais conventionnelle, et se situe dans l'exact prolongement, maitrisé et novateur, de Meantime.

Réussite totale donc, une de plus à mettre à l'actif d'un groupe décalé, insoumis et dont l'inusable leader, Page Hamilton, porte encore fièrement la bannière à l'heure actuelle.
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TRACKLISTING:
1. Wilma's rainbow 2. I know 3. Biscuits for smut 4. Milquetoast 5. Tic 6. Rollo 7. Street crab 8. Clean 9. Vaccination 10. Beautiful love 11. Speechless 12. The silver hawaiian 13. Overrated 14. Sam hell

Le Myspace d'HELMET
Le site d'HELMET

lundi 5 avril 2010

Cocteau Twins-Garlands (1982 puis 1984 [réédition],4AD)


A l'instar de Dead Can Dance avec un premier album éponyme génial, le Cocteau Twins de Robin Guthrie et Elisabeth Frazer s'est rendu "coupable", en ses débuts, d'un opus cold absolument remarquable, unique et captivant de bout en bout, avant d'opter ensuite pour des ambiances plus éthérées et tout aussi passionnantes.
Sur ces huit titres, plus quatre issues de Peel Sessions, la voix profonde et aérienne de Liz envoûte et se marie aux guitares vrillées de Guthrie, Will Heggie portant le tout de ses lignes de basse à la Simon Gallup, froides et prenantes. On dit souvent qu'il s'agit là du Pornography des Cocteau et à l'écoute, le rapprochement n'est nullement usurpé, loin s'en faut. Les titres-phare pleuvent, avec en figure de proue un Wax and wane splendide, et l'on retrouve également, par le biais des guitares de Guthrie, le climat du Fire dances de Killing Joke. La magie opère dès Blood bitch, une boite à rythmes sèche venant surplomber l'ensemble, et l'alchimie, le style du trio impose sa singularité pour venir prendre place marmi les touts meilleurs de la vague cold d'alors. Cocteau Twins fait dans le glacial céleste (Shallow then halo) et charme autant qu'il opresse ou inquiète de par ses tonalités froides et opaques. La sensation qui se dégage de ce disque engendre une forme de dépendance, d'état "autre" dont on ne veut/peut plus s'extirper, et que prolongent irémmédiablement l'énorme Garlands, presque enjoué en comparaison du reste (quoique...) et un Grail overfloweth lancinant, leste, magique.
A peine remis, ou plutôt encore complètement imergé, dans ces compos sans équivalent, les Peel Sessions et ce Dear heart massif étendent le voyage mental (on a même parlé de "surf mental", plus tard, au moment du magnifique Heaven or Las Vegas), la plongée dans de délicieuses abimes dont le rythme s'intensifie sur Hearsay please, l'un de mes préférés, sur lequel Liz chante de façon intense et fiévreuse.
Puis sur Speak no evil, qui marque le retour à la partie studio, le tempo se modère, revenant à la trame la plus récurrente du trio, avant de s'emballer sur l'ultime morceau, Perhaps some other aeon, à l'issue duquel il n'est plus permis de douter de la personnalité singulière de Cocteau Twins, dont on verra, sur les efforts à venir, qu'elle est de plus évolutive et engendre un résultat immanquablement merveilleux, loin de tout souci de normalité et de toute démarche conventionnelle.
Indispensable, s'il était encore besoin d'en faire le rappel...
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TRACKLISTING:
1 Blood bitch
2 Wax and wane
3 But I'm not
4 Blind dumb deaf
5 Shallow then hallo
6 The hollow men
7 Garlands
8 Grail overfloweth
9 Dear heart (John Peel Session)
10 Hearsay please (John Peel session)
11 Hazel (John Peel session)
12 Blind dumb deaf (John Peel session)
13 Speak no evil
14 Perhaps some other aeon
Le site de Cocteau Twins

jeudi 4 mars 2010

Lou Rhodes-One good thing (Motion Audio/Ninja Tune, 15 mars 2010)

Une fois n'est pas coutume, je change quelque peu de registre, s'agissant du site en présence, avec le superbe One Good Thing, superbe troisième album solo de Lou Rhodes, chanteuse au sein de Lamb.

L'Anglaise y dévoile onze pépites folk d'une pureté exceptionnelle, parfois "accidentées" (Circles, sombre et inquiétant), chantées d'une superbe voix et agrémentées d'une acoustique qui dès One Good Thing, le morceau d'ouverture, scintille de mille feux. Sobres, les compositions de la demoiselle se parent de sonorités éparses et marquantes, ou de cordes majestueuses comme sur cette entrée en matière de haute tenue, mais c'est bel et bien le dénuement, la mise à nu, qui prédomine ici. A la fois obscur et lumineux (The More I Run), fort de cette guitare boisée enjoleuse (It All), l'univers lié à ce One Good Thing envoûte et apaise, tout en offrant un chant saisissant, émotionnel, sans fard, comme sur le magique Melancholy Me. Lou, visiblement partagée entre espoir (Magic Day) et résignation (Why Wait For Heaven?), met ses ressentis en musique avec maestria, s'appuyant pour cela sur une indéfectible passion et une sincérité à toute épreuve. Et les traits d'obscurité qui jalonnent son oeuvre (la fin, notamment, de Why Wait For Heaven) laissent à penser que si la traduction sonore de sentiments divers ne l'a pas totalement apaisée, elle lui a en tout cas permis la réalisation d'un album cathartique et magnifique, de tout premier ordre.
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TRACKLISTING:
01. One Good Thing
02. There For The Taking
03. The More I Run
04. It All
05. Janey
06. Circles
07. Magic Day
08. The Ocean (Time Traveller's Wife)
09. Melancholy Me
10. Baby
11. Why Wait For Heaven

Le Myspace de Lou Rhodes
Le site de Lou Rhodes

lundi 21 décembre 2009

Kill The Thrill-Tellurique (2005, Season of Mist)

J’ai récemment chroniqué BASTARD en qualifiant ce groupe d’incontournable de la scène française des années 90, l’incluant dans une liste dont faisaient partie les excellents KILL THE THRILL. Eh bien leur tour est venu et après avoir dévoré leur Dig, je me charge aujourd’hui de ce Tellurique à couper le souffle. Le trio nous donne ici une leçon d’indus méchamment troussé, s’appuyant sur des guitares massives, des basses sourdes, et une boite à rythmes plombée. Le chant de Nicolas Dick vient parfaire cette ambiance certes exigeante, pas forcément facile à appréhender mais qui, au fil et des écoutes et si l’on se donne la peine de s’investir, dévoile mille et une richesses au fur et à mesure de ces écoutes jusqu’à s’avérer addictive. Le trio se pose en parfait « concurrent » de TREPONEM PAL ou des YOUNG GODS, en faisant preuve de la même habileté à mêler lourdeur et légèreté, s’approchant en cela de l’excellent Excess and overdrive des Parisiens malheureusement aujourd’hui disparus, ou de certaines oeuvres de GODFLESH.
Dès le massif, presque inerte A little sait for a better feeling, le ton est donné et l’ambiance glaciale, accentuée par le mal-être, la sensation de malaise qui se dégage du chant de Nicolas Dick, nous gagne ostensiblement. Celui-ci module superbement son chant qui, s’il privilégie évidement la profondeur et le côté déchiré, malsain, fait étalage de qualités mélodiques évidentes et se montre envoûtant, irréprochable quelle que soit l’ambiance développée. Et quand arrive Permanent imbalance, mon titre favori sur cet album, eh bien ça y est, on réalise qu’avec les marseillais, on est dans le haut de gamme, dans un domaine musical unique et au sein duquel le groupe est dans son élément et nous tisse des toiles sonores denses, riches et captivantes. Enlevé et intense, ce titre explore tout ce que sait faire le groupe, constituant en quelque sorte un panorama du panel parcouru sur Tellurique. Un titre magique, dont les guitares tournoyantes sont tout simplement irrésistibles. La diversité est de plus de mise sur cet album, en atteste An undefinite direction, lourd et lent, et le Non existence qui lui succède, plus rythmé et plus mélodique, ces titres nous montrant que KILL THE THRILL, s’il fait plutôt dans le lourd et oppressant, sait varier les plaisirs, et les climats, avec un talent jamais démenti.
Arrivent ensuite un Soave chanté par Marylin, qui réussit le tour de force de sonner à la fois lourd et trépidant, nouvelle preuve du talent de composition affiché par KILL THE THRILL depuis ses débuts, puis Like cement, dépouillé, presque minimaliste, Nicolas chantant une fois de plus avec une profondeur époustouflante et élevant ce morceau vers les sommets. Et sur la suite de ce disque, sont déclinées les mêmes ambiances, qu’elles soient de front ou distinctes, ceci avec une maestria qui n’appartient qu’au trio de Marylin Tognolli.
Lourd et hurlé sur Diaphragme, saccadé sur Head et j’en passe…les six-cordes de Fred de Benedetti faisant merveille tout au long de cet album ensorcelant.
Avec en point d’orgue, une reprise magistrale du Us and them de GODFLESH, devant laquelle Marco Neves et les TREPONEM PAL seraient restés sans voix, sans parler des intéressés eux-mêmes, et qui s’achève sur un rythme débridé ; une réussite totale. Et au-delà de ce titre, un album indus de tout premier ordre, pour un groupe désormais incontournable. Splendide.
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TRACKLISTING:
1. A little Salt for a better Feeling
2. Permanent Imbalance
3. An indefinite Direction
4. Non Existence
5. Soave
6. Like Cement
7. Diaphragme
8. Head
9. Body
10. Mistaken Solutions
11. Us and them
12. The Finish

Myspace KILL THE THRILL

mercredi 25 novembre 2009

Epileptic - The First Day Of Our Second Life (2004, Rejuvenation Records)

Epileptic vient de Poitiers, ville de nombreuses formations rock souvent hors-normes, toujours valeureuses, et a pour label Rejuvenation; c'est dire si le trio issu de la Vienne, rien que pour ces deux constats, est digne d'intérêt. La "littérature" autour d'un groupe ne faisant toutefois pas à elle seule sa qualité musicale, il importe de préciser que dans le cas de David : batterie / choeurs, Sam : guitare/chant, et Ghis : basse, ces derniers justifient amplement la curiosité que peut susciter un tel "pedigree", oscillant entre rock brut mais aussi très sensible, élans écorchés et sonorités rappelant furieusement les productions Dischord.

Cependant, Epileptic brasse tout cela selon une démarche très personnelle, et l'on sent qu'il a su trouver, en oeuvrant depuis 1995, une cohésion certaine et élaborer un panel musical varié et constamment attrayant. Une mélancolie captivante et communicative, façon Chokebore, parcourt ce disque aux neufs titres sans failles, également animé par une belle énergie à la Jawbreaker, qui débute avec un Little River associant justement avec adresse ton tristounet et vigueur rock (dé)bridée. Epileptic affiche et revendique une pluralité d'influences dont il a de toute évidence réalisé l'amalgame abouti, celles-ci se voulant le reflet d'une ouverture et d'une diversité que le trio réinvestit ici avec à-propos.
Ainsi, Settle Down, doté d'une sensibilité pop de bon aloi, noyée dans le flux d'un rock tendu, évoque certains des groupes aimés et écoutés par les poitevins, et ceux-ci, éloignés de toute démarche commerciale, s'appuient sur cela pour construire un rock singulier, qu'on aime justement pour l'excellence des formations qu'il évoque, mais aussi et surtout pour son contenu et son juste dosage entre les styles qui le caractérisent.

En outre, et c'est peut-être là la clé de leur réussite, des touches émo recurrentes, bien distillées comme sur le fin et vivace Strayed, jalonnent l'album de façon remarquable. Et des plages nuancées, émotives et délicates (Weather The Storm) apportent une contribution intéressante à cet éventail musical plus que plaisant.
Il est à souligner qu'Epileptic a partagé la scène avec, entre autres, Tantrum, Hint, Seven Hate, , Sloy, Dead Pop Club, Les Wampas, Robocop Kraus, Monochrome, Myra Lee, Oliver Twist, Enon, Against Me, Karate etc....
On s'étonne d'autant moins de sa dextérité et de son "brassage" sans fautes, soniquement illustré par Teen Soldier, dernier morceau de la face A de ce vinyl à l'intérieur duquel on peut de surcroît trouver les paroles des neuf titres de The first day of our second life. Vivacité, fougue rock et ressentis émo font bon ménage et feront également de la face B une réussite incontestable, à commencer par 4 years, 4 roses qui exhale des sonorités cold confirmant l'esprit "large" des trois complices, pour aboutir à The First Day Of My Second Life, posé et épris de tristesse, de résignation, après un Father's Eyes alerte et assez furieux en sa fin ou encore un The last Days Of The Working Class légèrement noisy, aussi séduisant, brut et fringuant que ses prédécesseurs.

Sans détours, mais subtil, simultanément énergique et raffiné, l'univers d'Epileptic envoûte, et on peut dire que Rejuvenation a eu du flair en signant cette formation qui, après un split avec Tantrum à ses débuts, puis deux albums avant lesquels il y eut aussi un 6 titres et un 45 tours Poitier's Burning, nous gratifie là d'un opus de haute volée.
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TRACKLISTING:
1. Little river
2. Settle down
3. Strayed
4. Weather the storm
5. Teen soldier
6. Four years four roses
7. The last day of the working class
8. Father's eyes
9. The first day of my second life

Myspace EPILEPTIC
Site EPILEPTIC

mardi 13 octobre 2009

Echo And the Bunnymen - The Fountain (2009, Warner)

Après un Siberia plutôt bon, qui marquait donc un retour assez convaincant de la formation liverpuldienne, Echo And The Bunnymen réapparait avec ce nouvel album d'obédience pop-rock, sur lequel ne subsistent que peu de traces des élans cold qui pouvaient caractériser Crocodiles ou Porcupine.

Une intervention inattendue et dont on peut craindre le pire en termes de résultat, celle de Chris Martin, lance l'album...de belle manière, sur ce Think I need it too énergique et rock, tout en exhalant une sensibilité pop bienvenue. Passé ce "test" déterminant, Ian Mc Culloch et son groupe confirment avec un Forgotten Fields aux guitares à la fois enjôleuses et appuyées, plus saccadé que le morceau introductif mais tout de même concluant. Les choses semblent alors s'annoncer sous les meilleures auspices, d'autant qu'un Do you know who I am? rapide et percutant fait de ce premier tiers d'album une entrée en matière sans fautes, Shroud of Turin confirmant ensuite ceci avec ses mélodies pop scintillantes bousculées par des guitares vivifiantes aux motifs marquants. Bonne impression encore à l'écoute de Life of 1.000 crimes, même si on ne peut s'empêcher de se dire que Sergeant and Co pourraient élaborer quelque chose de plus significatif, moins communément pop-rock. Ce petit regret subsiste au moment d'aborder The Fountain, certes bon mais au format un poil trop lisse. Le groupe réussit certes ce qu'il entreprend, mais connaissant ses possibilités, on reste sur notre faim et on attend de lui une réussite intégrale, et plus d'initiatives, plutôt qu'un disque uniquement porteur de trois ou quatre titres indispensables. Everlasting neverendless efface un peu ce ressenti en affichant une belle énergie, toujours conjugués avec bonheur à des inflexions pop bien ficelées, sans qu'on ne parvienne, cependant, à se défaire de l'idée qu' Echo And The Bunnymen est capable d'allier à cette pop-rock attrayante des orientations "autres", peut-être plus en lien avec les albums cités en début d'article. Proxy, le titre suivant et aussi bon qu'il soit, confirme mes dires, de même que Drivetime dont le niveau élevé permet heureusement de rendre le disque assez bon pour qu'on l'accepte tel qu'il est, sans cette pointe de nostalgie ou d'exigeances trop poussées. Puis Idolness of gods, posé, met fin de façon (trop?) apaisée, pas vraiment éloquente, à un bon opus.

Subsiste alors une interrogation; aussi valeureux soit-il, The Fountain s'avèrera t-il durable, ou sera t-il l'album de quelques semaines, dans l'attente de travaux à suivre plus poussés et moins timorés? La réponse est pour l'heure difficile à donner et pour le moment, profitons sans modération du bon nombre de réussites qu'inclut l'opus en présence.
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TRACKLISTING:
1. Think I Need It Too
2. Forgotten Fields
3. Do You Know Who I Am
4. Shroud Of Turin
5. Life of 1,000 Crimes
6. The Fountain
7. Everlasting Neverendless
8. Proxy
9. Drivetime
10. The Idolness Of Gods

Myspace ECHO AND THE BUNNYMEN

lundi 12 octobre 2009

Jay Reatard - Matador singles '08 (2008, Matador)

C'est avec ce recueil de singles (issu de chez Matador, ce qui constitue déjà un sérieux gage de crédibilité) que JAY REATARD, grand enfant capable de trousser un titre détonnant entre l'apéro et l'entrée, s'est fait connaitre. En l'espace de quelques jours, son nom était non pas sur toutes les lèvres, mais au minimum sur celles du public averti. Ceci pousse pour le moins à la curiosité, en même temps que point ce scepticisme lié à tout "buzz" soudain autour d'un artiste.

Eh bien dans le cas qui nous intéresse, on ne peut que constater que celui qui entoura la sortie de cette compilation est entièrement justifié. En pleine époque dévolue aux revivals, Jay Reatard insuffle avec ce disque une belle bouffée de fraicheur, de spontanéité noisy 90's, nous ramenant à un temps ou le rock se voulait cru, souvent rythmé et porteur de mélodies marquantes, la plupart du temps englouties dans le flot d'une lo-fi, ou d'une noisy-pop, délectable et brouillonne sans toutefois se montrer indigeste. Et sur les treize titres de ce disque, aucune faute de goût n'est à déplorer, celui-ci ressemblant à un panorama séduisant de ces regrettées 90's.

Partant de formats courts, Jay nous aiguille d'entrée sur la bonne voie avec See Saw, aux élans évoquant I Should Coco des Supergrass, tant sur le plan vocal qu'au niveau des mélodies, et sonore avec un son à peine dégrossi qui sied à merveille au registre du bonhomme. Ca continue ensuite avec Screaming Hand, ses guitares excitées et sa rythmique agitée, puis sur l'album en entier, Jay ayant de plus le bon goût de reprendre le Fluorescent Grey de Deerhunter. Entre Painted Shut, fait d'une pop vive, à I'm Watching You, lancinant et décoré par des motifs sonores cette fois posés, le sauvageon inspiré fait preuve d'une verve et d'une inspiration qui laissent d'ores et déjà augurer du meilleur en termes de carrière et de productions futures, ceci nous réjouissant d'autant plus au vu de la productivité de notre ami. Ce dernier peut faire dans une acoustique débridée (An Ugly Death) pour ensuite s'embarquer dans une échappée noisy/lo-fi remuante (Always Wanting More) et jouer, suite à cela, une pop à la Supergrass, influence évidente au même titre que Sebadoh et les Pixies, et plus globalement les années 90, sur You Mean Nothing To Me. On appréciera donc grandement l'immédiateté de ses morceaux, ses guitares de caractère (Trapped Here, remarquable) et son chant nasillard, semblable par sa tonalité à celui d'un ado à peine sorti des affres de l'état prè-adulte. Ses chansons les plus courtes, tel ce Hiding Hole et ce D.O.A. furibards, le second dans un esprit punk affirmé, s'avèrent irrésistibles. Et comme le gaillard sait aussi s'y prendre dans un domaine acoustique proche du Sebadoh le plus assagi qui soit (No Time, You Were Sleeping), le tableau final est d'autant plus attrayant, et cet album s'impose comme l'une des grosses surprises de l'année 2008, et tout simplement comme une acquisition impérative pour tout amateur de rock éruptif et pleinement 90's. Ce que confirmera d'ailleurs l'excellent Watch Me Fall, sorti récemment et qui inclut lui aussi sa fournée de morceaux incontournables et turbulents.
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TRACKLISTING:
01. See Saw
02. Screaming Hand
03. Painted Shut
04. Ugly Death
05. Always Wanting More
06. You Mean Nothing to Me
07. Fluorescent Grey (Deerhunter)
08. Trapped Here
09. Hiding Hole
10. DOA
11. No Time
12. You Were Sleeping
13. I'm Watching You

Myspace JAY REATARD

Site JAY REATARD

dimanche 11 octobre 2009

(swell) - South of the rain and snow (2008, Talitres)

Exit Monte Vallier et Sean Kirkpatrick, c'est maintenant David Freel qui officie, seul, aux commandes de Swell, "rebaptisé" (swell). Auteur d'albums magiques, et majeurs au folk ombrageux et électrifié selon un dosage juste (Well?, 41, For All The Beautiful People, pour n'en citer que trois), Freel n'a pas perdu la main, loin s'en faut, suite au départ de ses acolytes, et signe là un album magnifique, frappé du sceau d'une mélancolie peut-être plus accentuée encore qu'au temps du trio.

Le très pur Kicking All Them Ghosts, dont l'intitulé suffit à lui seul à nous saisir l'état d'esprit de son auteur, débute d'ailleurs dans le plus simple appareil; guitare sèche et voix, tranquille et épurée, doublée de choeurs sobres, pour une introduction tout en douceur. Sur la suite, le désabus de David prend une tournure un peu plus étayée, bien que restant très mesurée. Trouble Loves You, second morceau, amenant un rythme doux mais régulier, la superbe voix faisant le reste, accompagnée par cette guitare céleste et l'orgue de Nick Lucero qui joue aussi de la batterie pour les besoins de cet album. D'un état d'esprit sombre, Freel réalise en mise en son superbe et plus qu'intéressante, jouant son folk/rock en le revêtant de beaux apparats, simples et pourtant décisifs quant à la magie qui émane de l'album en question. Le troisième morceau, Saved By Summer, en est le parfait exemple, avec, toujours, des guitares fines et remarquables, l'orgue planant et ce rythme de batterie dont le côté désinvolte cache la qualité de l'intervention.
De motifs sonores presque effacés (la guitare de Comes Right Here), SWELL fait un argument déterminant, et sur certaines chansons, il rend sa musique plus vivace, plus ouvertement électrifiée, ce qui débouche sur de superbes travaux comme Our Aquarium. Cette option s'affirme d'ailleurs ensuite, sur South Of the Rain And Snow par exemple qui est aussi l'un des plus longs formats du disque. La guitare se fait plus mordante, tout en gardant son côté délicat, Freel ne se départissant qu'à peine de sa mélancolie. Celle-ci, il faut le dire, lui sied à merveille et "éclaire", si l'on peut dire, les morceaux de ce superbe opus. Et quand les élans plus modérés, quasiment à nu, de SWELL, reprennent le dessus (Good Good Good), le charme reste le même. SWELL marche à la passion, se livre sans fard, et use donc d'une tristesse récurrente pour écrire et composer de superbes morceaux. Tell us All reflète bien cette sincérité et la "recette" de David Freel, et nous régale de guitares aux riffs noisy alliées à des accords nettement plus doux.
Aucune prise n'est offerte à la médiocrité et SWELL réussit tout ce qu'il entreprend, comme ce The Measure Of This Moment qui offre lui aussi de douces trainées noisy, puis pour finir, Waiting For A Beer, apaisé et qui permet à Freel de finir sur une note tout aussi cafardeuse, et captivante, que sur le restede son album .

SWELL livre donc avec ce South Of The Rain And Snow un disque de toute beauté, à l'image de The Lost Album, pour nous ramener aux plus beaux moments d'un Too Many Days Without Thinking et perpétuer l'enchantement, teinté de désabus, généré par chacune de ses productions discographiques.
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TRACKLISTING:
1. Kicking All Them Ghosts - 2. Trouble Loves You - 3. Saved By Summer - 4. Comes Right Here - 5. Our Aquarium - 6. South Of The Rain And Snow - 7. Good Good Good - 8. Tell Us All - 9. The Measure Of This Moment - 10. Waiting For A Beer

Myspace SWELL

Site SWELL

samedi 10 octobre 2009

Clinic - Visitations (2006, Domino Records)

Venu de Liverpool, CLINIC propose depuis plusieurs albums un rock à la coloration post-punk assez obscure, élaborant une sorte de trame noisy sur fond de vocaux évoquant un Thom Yorke un peu moins porté vers l'introspection, sortant de sa torpeur et chantant en parfaite adéquation avec les ambiances tissées par les liverpuldiens. Un certain effet psyché se dégage de l'ensemble et si le son se veut quasi-impénétrable, et ce dès le début de Family, Clinic s'ouvre à un semblant de luminosité, comme sur Animal/Human, en parvenant à maintenir un niveau très respectable.

C'est cependant les climats noirs que le groupe privilégie, Gideon démontrant cela tout en exposant des claviers aux nappes froides. La structure des morceaux reste simple et un air de Suicide flotte non seulement sur ce titre, mais aussi sur la plupart des autres. Sulfureux, exalté et sortant des sentiers battus, Clinic offre une alternative excitante et crédible au rock de cette décennie, qui de son côté ne livre plus grand chose de réellement original. Des morceaux courts comme Tusk sont animés d'une énergie punk dévastatrice et de guitares noisy délectables, et rompent quelque peu avec les titres ombrageux qui jalonnent ce Visitations, et une clarté bienvenue émerge de Paradise, le tout restant bien entendu dans un format au sein duquel l'allégorie domine. Et si on préfère souvent la formation anglaise dans ses moments les plus opaques (Children Of Kellog, imparable), celle-ci se diversifie en restant fidèle à sa ligne directrice initiale, comme sur If You Could Read Your Mind qui me fait penser au dernier Primal Scream, Beautiful Future, et même à leurs productions antérieures. Rien n'est à jeter ou même à négliger sur cet album qui confirme le statut du groupe, lequel s'offre même un temps acoustique sombre et pur sur Jigsaw Man et ses percussions dépaysantes, revenant ensuite à une électricité compacte. Enfin, Clinic se retranche pour finir en territoire usuel et connu sur The New Seeker, avant d'imposer une atmosphère plus posée, et plus "éclairée", sur Visitations, ceci en se montrant bien évidement parfaitement convaincant.

Voilà donc un groupe qui a su créer son propre style, l'imposer et le faire perdurer en l'affinant peu à peu jusqu'à composer des albums aboutis et singuliers, ce qu' est ce Visitations qui donne l'envie incoercible de continuer l'écoute et de se plonger, en ces temps ou la scène actuelle se retrouve dans l'impasse ou ne trouve son salut que dans les revivals en tous genres (parfois réussis, il faut le dire), dans le reste de sa discographie.
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TRACKLISTING:
1. Family
2. Animal/Human
3. Gideon
4. Harvest (Within You)
5. Tusk
6. Paradise
7. Children of Kellogg
8. If You Could Read Your Mind
9. Jigsaw Man
10. Interlude
11. The New Seeker
12. Visitations

Myspace CLINIC

Site CLINIC

vendredi 9 octobre 2009

Nodzzz - Nodzzz (2009, What's Your Rupture?)

Il y a des jours où l'on se sent chanceux, à la limite du privilège, et c'est un peu le cas pour moi ce soir. Ayant demandé à recevoir l'album de Music Is Not Fun, espoirs français à suivre de près, voilà que dans le même colis, je reçois le cd d'un autre espoir niçois de haute tenue, Quadricolor, et surtout, cet album d'un incroyable trio américain nommé Nodzzz.

Influencé, comme le dit sa page Myspace, par The SF Public Library, New York/New Jersey mental hospitals from the 50's and 60's, British New Wave singles from the 70's and 80's, California nude beaches. Nodzzz, etc... (tout un programme), Nodzzz balance, en dix titres et même pas seize minutes, un condensé impressionnant de vigueur rock rétro, mélodique et énergique à la Buzzcocks ou Pistols, superbement actualisé sans perdre de son "ancienneté". Brefs, sans fioritures, dotés de voix à la limite du punk et de guitares loquaces et mordantes, ces dix morceaux sont tout simplement des bombes rock et ce disque une bourrasque imparable, en même temps qu'une découverte retentissante. Entre In the city (protect high), léger et modéré et porteur de cette élégance passéiste irrésistible, Is she there? en ouverture, qui ferait pâlir de jalousie Pete Shelley et sa clique, ou ce Highway Memorial Shrine urgent, le trio constitué de Sean Paul Presley, Anthony Atlas et Eric Butterworth semble donner une leçon, entre autres, à une perfide Albion prisonnière de son passé et dont la scène commence à se mordre la queue tout en perdant de sa fraicheur et de sa spontanéité. Cette immédiateté, Nodzzz la possède et la maitrise au point d'en faire le fer de lance de son registre, j'en veux pour preuve, justement, Simple Song, qui comme son nom l'indique est d'une simplicité désarmante et d'une efficacité tout aussi renversante. C'est aussi le cas de Controlled Karaoke et es "lalalalala" addictifs, qui met fin à la face A (le trio a en outre décidé de partager son album en deux faces, à l'ancienne donc et comme sur les vinyls) avec bonheur.

Quant à la face B, elle est bien évidemment du même tonneau, d'autant que I have badnews et ses sifflements l'inaugure brillamment, suivi par Losing my accent, plus pop, valorisé par des mélodies dont Nodzzz garde jalousement le secret dans les recoins de sa matière grise. I can't wait enfonce ensuite le clou de ce rock qui m'évoque d'ailleurs le patchwork gentiment rétro qui fit du I Should Coco de Supergrass un classique quasi-instantané, dont une seule écoute permettait de rendre immédiatement compte de l'immense qualité. Qualité que l'on retrouve égale sur I was my parents vision, doté de choeurs aussi marquants que ceux de Controlled Karaoke, et sur City has no eyes, fonceur et porté par des riffs que tout rockeur digne de ce nom éprouverait une grande fierté à savoir jouer.

Super opus donc, et découverte aussi inattendue qu'éblouissante, dont la valeur, la fougue conjuguée à des mélopées mémorables, et la courte durée en font un indispensable à écouter des dizaines de fois en une seule et même journée.
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TRACKLISTING:
Face A;
1. Is she there?
2. Highway memorial shrine
3. In the city (contact high)
4. Simple song
5. Controlled karaoke

Face B;
1. I have bad news
2. Losing my accent
3. I can't wait
4. I was my parents vision
5. City has no eyes

Myspace NODZZZ

Site NODZZZ
A1: Is She There

Josh "Position Number Nine" (2009, My Mib Records/Swarm records)

JOSH nous avait déjà rassasiés avec un My Storm aux airs de référence noise, ce premier jet lui permettant de venir se placer en pôle position de la mouvance, aux côtés des Basement et autres Royal Mc Bee Corporation, ou encore d'Aghostino, autre formation au registre probant et sans failles. Voici donc venue l'heure du second effort et là, les Aquitains emportent la mise avec une aisance déconcertante, tant et si bien qu'on se demande, au final, pourquoi cette formation ne suscite pas un "buzz" plus conséquent dans notre pays si frileux en matière de prises de risques.

Des risques, Josh en prend -on peut le comprendre tant ses compétences et son savoir-faire le lui permettent- et débute d'ailleurs par une bourrasque noise, Position Number Nine, superbement ornée de mélodies constituant le parfait contrepoint de ce chant hurlé dont on raffole. L'équilibre est parfait, le son clair et massif à la fois, et le groupe place d'emblée la barre très haut. S'il se prétend et se reconnait noise, Josh possède en effet les qualités requises pour transcender le genre et lui amener un second soufle, ce que vient démontrer Not Starved Of You et ses brusques embardées noise assorties d'accélérations rythmiques bien amenées. Tout en maintenant une certaine tension, Josh fait respirer ses morceaux et livre une alternance "climatique" de bon aloi. Non content de cela, il pousse la démarche au morceau suivant, I.K.W.Y.W.H.M, lourd et qui, à l'image de leurs potes de Basement sur Everything Gets Distorted, s'offre des breaks mélodiques magistraux, de même qu'une "relance", basée sur une basse proéminente, tout bonnement renversante. La complémentarité dans le chant est d'ailleurs d'un apport conséquent et contribue à la diversité proposée, et cette variété, le titre suivant, Ocean of Sorrows, l'illustre de belle manière en imposant une trame presque cold. Mélancolique, reposant sur une atmosphère prenante et répétée, cette chanson entérine définitivement l'étonnante habileté de Josh à composer des morceaux qui, au delà de leur appartenance première à la noise, outrepassent celle-ci pour s'aventurer dans d'autres territoires en restant immanquablement captivants et performants. Sur le morceau qui suit, Want, c'est le registre post-hardcore qui est abordé et le côté massif puis galopant, ensuite étayé par un rythme débridé, qui prévaut, les cassures de rythme s'avérant aussi justes que précédemment. Puis sur Ambroise Amere, l'ambiance est à l'ambivalence entre chant crié et trame musicale plus légère quoiqu'assez intense, la basse amenant soudainement le morceau vers d'autres sphères, aidée en cela par des guitares remarquables.

La surprise, l'initiative, le refus de se cantonner à un style et à une démarche figés sont donc ici de mise et débouchent sur un album majeur, puissant et nuancé avec maestria. Et ce n'est pas le dernier morceau, un Gastroentéropode subtil dans son intro puis plus colérique, chanté en Français sans que cela ne dénote le moins du monde, qui démentira mes propos. Il y a dans ce titre du Virago, tant dans le texte que dans le climat lié à la chanson, l'album prenant donc fin sur une note aussi marquante que ce qui précède. Pas tout à fait cependant puisque passé ce titre, à moins qu'elles n'en soient partie intégrante, Josh nous gratifie de plusieurs minutes changeantes dans leurs humeurs, représentatives d'ailleurs de l'opus en présence de par la pluralité de leurs atmoshères.

Pour conclure et sans épiloguer, ce second jet confirme les espoirs que l'on pouvait placer en Josh et trouvera, le contraire serait incompréhensible, une place de choix au sein de la scène française. Ce qui serait la moindre des récompenses sachant qu'à l'écoute de ses travaux, le combo mériterait largement une reconnaisance plus étendue.
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TRACKLISTING:
1. Position number one
2. Not starved of you
3. I.K.W.Y.W.H.M
4. Ocean of sorrows
5. Want
6. Ambroisie amère
7. Gastroentéropode

Myspace JOSH

Site JOSH

TeTsuo - Cousu Main (2009, A Tant Rêver Du Roi)

Pau, une fois de plus. A Tant Rêver Du Roi, de même. J'avoue faire preuve d'un intérêt tout particulier pour ce collectif productif et inventif, adepte du DIY (Do It Yourself) et d'un travail sérieux et abouti tout en se voulant résolument décalé.

De cette démarche naissent des albums uniques en leur genre ( les derniers Kourgane et Sibyl Vane, entre autres et de façon non-exhaustive, loin s'en faut), dont ce Cousu-Main bien nommé n'est pas des moindres. Arnaud Millan et Alexis Toussaint, aidés sur ce disque par une kyrielle d'invités, dont Dawn Mc Carthy (Faun Fables) et Elyas Khan (Nervous Cabaret), pratiquent ce qu'ils définissent comme étant "un post-rock jazzy fait pour être hurlé dans un cabaret en flammes, théatre d'histoires plus stupides les unes que les autres". C'est en effet ce que l'on retrouve sur ce disque qui a pour particularité d'être leur premier sous une forme acoustique et retient notre intérêt du début à la fin, par le biais d'un éventail musical large et soigneusement élaboré.

Si l'on n'est pas éloignés, en certaines occasions, de l'émotion pure d'un Radiohead (Teeth And Bones), des envolées enfiévrées, dignes en effet d'un cabaret enfumé, sont à relever et donnent de la superbe à un disque déjà étincelant. C'est le cas par exemple sur A Door In A Skull, et l'on note qu'ici, à l'instar des autres productions ATRDR, chaque morceau possède un pouvoir de séduction, une accroche, loin d'être négligeable. Celui-ci se voit d'ailleurs accentué par la richesse instrumentale que permettent les intervenants; on retrouve par exemple une vielle à roue, des ondes Marthenot, un xylophone, un trombone ou du saxo, cette pluralité étant de toute évidence d'un grand apport. Chaleureux et dynamique, le son de TeTsuo envoûte et affiche un cachet particulier, se dotant d'envolées rageuses, comme sur Chirugical Chill, qui cependant ne se déparent jamais de l'émotion liée à la dizaine de morceaux de l'opus. Et c'est en effet bien à du Cousu-Main que l'on a droit, à un travail d'orfêvre minutieux et instinctif à la fois. Une forme d'excentricité sonore géniale (The Other) rend l'oeuvre de TeTsuo plus singulière encore, et l'on se délecte de cette multitude de sonorités délicates et enlevées, de ce chant "pluri-émotionnel", de ce parfait dosage entre douceur et révolte magnifiquement sonorisée. Dans un style saccadé et relevé par un cornet et un xylophone, Twisting Magnets captive lui aussi sans attendre, de même que The Day Pigs Will Fly, qu'on imagine plus encanaillé encore dans les conditions du live. Et pour finir, un titre court et lui aussi délicieusement excentrique, Gargantua, achève de faire de ce disque une pièce indispensable et sans réel équivalent dans son style.

Un incontournable de plus, donc, à l'actif du collectif palois...en attendant une suite dont on ne doute pas qu'elle sera de même teneur et dans le même esprit.
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TRACKLISTING:
01
Body Map

02
Teeth And Bones

03
A Door In A Skull

04
Bill's Men

05
Chirurgical Chill

06
UneTrappe Dans La Paume De La Main

07
The Other

08
Twisting Magnets

09
The Day Pigs Will Fly

10
Gargantua

Myspace TeTsuo

Site TeTsuo

?ALOS - Ricamatrici (2009, Bar La Muerte)

Après un premier album déjà bien barré, et des travaux de même teneur, c'est à dire expérimentaux et excellents, avec Allun et Ovo, Stefania Pedretti, aka ?ALOS, nous revient dans un esprit similaire sur ce nouvel album au concept original.
En effet, Stefania s'appuie sur l'évocation, sonore et textuelle, des métiers féminins, et cette fois, elle choisit d'aborder le métier de couturière. Partant de là, elle narre le voyage d'une couturière et ses différents moments forts, ce qui explique la présence d'interludes servant à différencier les lieux et les périodicités, et fait de ce nouvel opus un temps lui aussi marquant, frappé du sceau des expérimentations dont l'Italienne est friande et coutumière. C'est ici le piano qui domine les débats, allié à la voix aux tonalités variées, souvent très expressives, d '?ALOS. Et l'on passe d'instants relativement sereins (Tulle, cependant ombrageux, doté de ces sonorités qui font toute la sève de l'album tout en permettant à l'auditeur de situer les différents temps du récit, puis un Un Giorno complètement apaisé) à des plages autrement plus tourmentées (Ricami, obscurci par une voix...digne d'une sorcière et une trame musicale élégante mais crépusculaire, pessimiste dans ses sonorités). Il en va d'ailleurs ainsi tout au long du disque, changeant dans son tempérament et reflétant joliment l'habileté de Stefania à mettre en son, de façon adroite et hors-normes, des sentiments divers. Même les intermèdes, courts, exprimant cela avec brio.

On remarque d'ailleurs que c'est sur les moments les plus assombris (Punto Lacrima) qu'elle se distingue par une opposition remarquable entre son chant, presqu'enjoué, et une enveloppe sonore laissant augurer du pire, ce que confirme le morceau suivant, ce Puno Ombra au piano d'une noirceur affirmé, le chant appuyant ce ton à la limite de l'effrayant et, en tous les cas, captivant au possible. Par les climats qu'elle met en place, ?ALOS parvient à nous imposer des ressentis leur étant similaires, nous amenant à vivre son album avec une intensité proche de celle qui fut la sienne, sans aucun doute, au moment de l'écriture et de la composition. On prend ainsi peur sur Sartine, ce sentiment s'intensifiant ensuite sur La macchina da cucire, la voix menaçante et étonnamment évocatrice se mariant parfaitement avec les sons ténébreux du morceau. Ce tourment laisse ensuite place à une forme d'espoir sur Sospiri, sans toutefois que le morceau se dégage complètement de ce sentiment de malaise récurrent, puis sur Un’ora sola, cette lueur prend un peu plus d'ampleur, les retranscription sonores des sensations inhérentes à la narration s'avérant non seulement cohérente entre elles à l'écoute, mais aussi diablement atrayantes pour l'auditeur.

Cela ne surprend guère de la part d'?ALOS, dont le mérite, outre son esprit foncièrement expérimental, est de parvenir à raconter et exprimer avec, du début à la fin, un pouvoir d'attraction égal. La démarche s'achevant ici sur un Appunti di viaggio aux allures de voyage ferroviaire, comme un retour au bercail après un voyage fait, pour la couturière comme pour l'auditeur, de ressentis divers et contradictoires, et parfaitement traduit par cet album dont l'écoute révèlera à coup sur, au fil du temps, d'innombrables richesses.
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TRACKLISTING:
  1. Tulle
  2. Un giorno
  3. Ago e filo
  4. Ricami
  5. Punto intaglio
  6. Punto lacrima
  7. Punto ombra
  8. Sartine
  9. Punto croce
  10. La macchina da cucire
  11. Sospiri
  12. Un’ora sola
  13. Appunti di viaggio
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