dimanche 17 juillet 2011

Ela Orleans/Dirty Beaches "Double feature" (2011, La Station Radar-Atelier Ciseaux-Night people records-Wet hair)

La Station Radar et Atelier Ciseaux font partie de ces précieuses structures hexagonales, comme A tant rêver du roi ou Herzfeld, dont l'esprit et les sorties, décalées, non-conventionnelles, sont d'un apport considérable. Le dernier fait d'armes de ces labels unit donc Ela Orleans et Dirty Beaches, déjà "armé" d'un superbe album intitulé Badlands, pour un split LP magnifique. La première nommée, d'origine polonaise et habituée aux collaborations, maintenant basée à New York, inaugure donc les festivités avant son ami Alex Zhang Hungtai, et instaure sur ses six titres des climats prenants, moins poisseux que ceux de Dirty beaches mais aussi dignes d'intérêt.

De Hope lange, court morceau introductif au piano, trop court pour marquer les esprits, Ela évolue vers des compos émaillées de sons déviants, soulignés par sa voix brumeuse (Neverend), qui mélangent beauté floue et étayage sonore sobre et dérangeant. La recette prend et la trame posée de Somewhere, le troisième morceau, prend l'auditeur dans ses filets par le biais d'une vaporeuse grâce. Puis Vertigo préfigure, en interlude élégant mais dégingandé, le shoegaze d'In the night. Des mélopées soignées émergent de ce canevas "nuageux" et ici encore, le clair et l'obscur, le mélodique et le dissonnant voisinent avec harmonie. L'amorce electro de I know peut alors préparer le terrain pour un dernier titre plus "épais" et plus rythmé, mais aussi a-normal et jouissif que le reste, toujours orné de scories shoegaze dans la voix et l'ornement, puis pour Dirty Beaches. L'essai est réussi et on peut alors s'adonner, déjà conquis, à l'écoute des travaux d'une des plus belles révélations récentes.

Hungtai se situe dans l'exacte lignée de Badlands et offre sur ce split six morceaux influencés par Suicide, le premier, l'alerte God speed, nous mettant d'emblée sur la voie d'un rock d'obédience Rev/Vega, avant Crosses qui reprend superbement les notes de guitare, et le climat, d'Halloween de Sonic Youth. Cette atmosphère lancinante, qui rappelle donc le Sonic Youth première période, vient compléter l'allant de la première plage et étayer le propos de le Taiwanais de naissance avec maestria. Puis Death valley, dans le même esprit, expérimental, jalonné par de brèves notes bluesy, démontre à son tour l'habileté du bonhomme dans la construction de pièces musicales sans règles et enthousiasmantes.

On revient ensuite, sur Don't let the devil F, à des intonations à la Suicide, jouissives, dotées de la même folie vocale et sonore, dont se dégage la même beauté tourmentée que chez Ela Orleans. Après cela, le plus saccadé A train, presque indus de par la répétition de ses motifs, obsédant, complète l'oeuvre avec le même aplomb. Puis L train, sorte d'indus-jazz assez unique, valide une palette musicale large et constamment inspirée, digne de l'opus de Dirty beaches et qui le voit, en même temps qu'il permet un split LP parfait, étendre la portée de ses créations sonores.

Excellent disque donc, à l'image de ce que les deux "boites" françaises ont l'habitude de mettre en place, qui incite à leur découverte et à l'écoute de leurs autres sorties.
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TRACKLISTING:

FACE A : Ela Orleans

1. Tides and Shadows
2. Neverend
3. Somewhere
4. Vertigo
5. In the night
6. I know

FACE B : Dirty Beaches

7. God speed
8. Crosses
9. Death valley
10. Don't let the devil find you
11. L train
12. A train

Site La Station Radar

Site Atelier Ciseaux