dimanche 8 août 2010

Blurt - Smoke time (Toeblocks Recordings, 1987)

Le poète et musicien Ted Milton fait partie, avec son trio Blurt, de ces artistes à la discographie fournie, consistante tant dans la qualité que dans la quantité, à l'esprit aventurier, expérimental, et en apporte la preuve sur cet album flamboyant. Comme sur son opus éponyme, le second de tous, il allie free-jazz au saxo libéré, énergie punk et rythmes débridés (The Body That They Built To Fit The Car) ou plus "africains", et crée un style qui lui est propre.
Epaulé par Paul Wigens: drums & violin, et Steve Eagles: guitar, il démarre d'ailleurs de façon saccadée et complètement indépendante de tout format, sur Smoke Time, assez machinal, pour ensuite proposer un Nights before aussi martial que dépaysant, sans y perdre de sa cohérence. Sa musique, puissante et rageuse, porte le cachet d'une classe énorme, et frappe un grand coup en cette époque dédiée à la new-wave.

Sur Bullet-proof vest, on trouve ces intonations africaines, sur un rythme plus délié, mais le fond reste menaçant, sous-tendu par des guitares qu'on sent au bord de l'implosion. Le saxo gardant, lui, une orientation free des plus seyantes. Puis c'est un titre chanté en Français, Aboule ton fric, digne des meilleurs moments d'Orchestre Rouge, qui complète l'ouvrage dans l'extravagance vocale et selon une trame posée, ceci avant que Through by you, lancinant, porteur d'une ambiance glacée semblable à celles que développait Sonic Youth à ses débuts, ne mette fin à la première face de Smoke Time.

L'essai est donc déjà de haute volée, et Congregate, vif et racé, en amorce la seconde partie de belle manière, entre déchirures du saxo et sagesse trompeuse, mais élégante, de l'arrière-plan sonore. Après cela, c'est un très cold et très post-punk, de par ses guitares, The Body That They Built To Fit The Car qui se met à son tour en avant. Energique, animé autant par ces guitares à la Geordie de Killing Joke que par un saxo volubile, il précède un Schadenfreude froid, electro dans son rythme, dépouillé, tout aussi bon et unique. Et pour finir, The Tree Is Dead, Long Live The Tree, sur un format plus long, associe folie vocale et musicale et détente afro, pour achever ce Smoke Time de haute volée avec brio.

Un excellent album donc, un de plus, pour le trio, d'ailleurs encore en activité à l'heure actuelle et programmé fin août au Rhythm festival de Bedford.
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TRACKLISTING:
A1. Smoke Time
A2. Nights Before
A3. Bullet-Proof West
A4. Aboule Ton Fric
A5 Through By You
B1. Congregate
B2. The Body That They Built To Fit The Car
B3. Schadenfreude
B4. The Tree Is Dead, Long Live The Tree

Le Myspace de Blurt
Le Site de Blurt

samedi 7 août 2010

The Wolfgang Press - The legendary Wolfgang Press and other tall stories (1985, 4AD)

"Incasable", intrigant et captivant, très vite signé par 4AD, The Wolfgang Press, trio Anglais, compile ici ses trois premiers EP's, sur lesquels interviennent, il faut le souligner, Elizabeth Frazer et Robin Guthrie, de Cocteau Twins, sur trois titres à eux deux.

C'est dire la singularité de l'univers d'Allen, Cox et Gray, qui naviguent à vue entre entrelacs synthétiques prenants (I'm coming home (mama)), morceau d'ouverture lugubre à l'ambiance froide et répétitive (The deep briny), et plages saccadées (Tremble (my girl doesn't)) réminiscentes des travaux des...Cocteau Twins des débuts, justement, en un peu plus rageur. On tombe ensuite sur un Heart of stone qu'on pourrait qualifier de cold/new-wave sur lequel la basse se met en évidence, de même que les percus de Manuela Zwingmann, puis un Respect aux voix qui se répondent, l'une masculine, l'autre féminine (il s'agit d'Elizabeth Frazer), et qui créent un bel effet pendant que le morceau, assez direct, exhale une new-wave vive entre rock et claviers aux motifs récurrents.

Il y a aussi une très légère touche goth sur ce recueil, à l'occasion de My way, aux chants une fois encore associés. Un titre haché, noir, mais aussi énergique, qui porte le sceau d'un climat que la formation a elle-même instauré.
Sur Muted et après le I'm coming home (mama) évoqué plus haut, une atmosphère grinçante à la Killing Joke (celui de Fire Dances), à la différence que sur cette plage, ce sont les claviers qui dominent, s'impose et perdure jusqu'à la fin, puis Deserve présente une rythmique mécanique à laquelle viennent se greffer ces claviers insistants et des guitares acérées. The Wolfgang Press ne suit jamais réellement la même voie, s'en tenant cependant à des trames obscures, et parvient à imposer sa patte tout en diversifiant son panel d'ambiances.

C'est ainsi que sur Sweatbox, c'est quasiment un morceau electro-cold, nouvelle réussite éclatante et originale, qui nous est livré, tandis que Fire eater, plus massif et tout aussi indépendant de tout style précis, animé par des riffs issus..d'un synthé, si je ne m'abuse, conclut la première dizaine de titres de cette compilation d'EPs de haut niveau. Ecstasy, d'abord dans la retenue, enjolivé par la trompette de Eddie "tan tan" Thriller, et qui gardera ce côté bridé, mais intense, jusqu'à sa fin, en l'intensifiant toutefois sur sa dernière minute, parachevant une oeuvre à l'image de bon nombre de productions 4AD: insoumise, déjantée, créative et indispensable.
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TRACKLISTING:
side A
The Deep Briny
Tremble (My Girl Doesn't)
Heart Of Stone
Respect
My Way
I'm Coming Home (Mama)

side B
Muted
Deserve
Sweatbox
Fire-eater
Ecstasy


Le Site non-officiel de The Wolfgang Press

The Wolfgang Press sur le site de 4AD

Ian Dury - New boots and painties !! (1977, Stiff)

Premier et fameux album de l'Anglais Ian Dury, ce New boots and painties maintes fois réédité est une véritable pièce maitresse du bonhomme, au début paisible et enjôleur (Un Wake up and make love with me funky puis Sweet Gene Vincent, posé, élégant, fort d'une classe british inégalable...qui s'emporte ensuite de façon inattendue et offre une seconde partie nettement plus punky, mais mélodique, à l'effet saisissant) qui monte ensuite en puissance jusqu'à se hisser parmi les tous meilleurs albums britanniques toutes décennies comprises.

On ne s'en étonne nullement à l'écoute de I'm partial to your abracadabra, bel exemple de l'esprit de Dury, entre distinction et attitude plus "sale", et de tout le reste de cet album qui n'inclut que des titres forts. My old man, assez tranquille, permet de comprendre de façon crainte et précise où le Blur de Damon Albarn est allé puiser son inspiration, de même que Billericay Dickey, plus follichon, déjanté façon Tom Waits, guilleret aussi, qui met fin à la première face de cet opus majeur.

On en arrive donc à la face B, que Clevor Trever, mené par la basse de Norman Watt-Roy, rondelette, introduit brillamment, de façon à la fois inédite sur le plan du style, difficile à définir, et détendue dans l'exécution. Chaz Jankel y allant de son petit solo, court et décisif, mais aussi de ses envolées de claviers non-moins primordiales. Les musiciens ont trouvé une belle cohérence, ce qu'illustre également If I was with a woman, lui aussi indéfinissable; on y trouve des soubresauts funk, la nervosité du rock, des mélodies pop, mais on ne peut le catégoriser de façon précise, et c'est ce qui fait la force de Dury, qui tape dans le mille et innove en même temps qu'il synthétise ce qu'il a derrière lui en termes de courants musicaux et précède ce qui viendra après.

Arrive alors le très punk Blockheads, enragé, qui fait la nique aux Sex Pistols la même année où sort leur légendaire Nevermind the bollocks. A ceci près qu'ici, le propos s'accompagne d'envolées de Moog, signées Geoff Castle, magistrales et déglinguées.
On reste dans ce registre à l'énergie punk sur Plaistow Patricia, où le saxo de Davey Payne se distingue, et sur Blackmail man, débridé, braillard et jouissif, avec son embardée elle aussi déjantée, basée sur...le saxo ou les claviers -on ne sait plus tellement les sons qui en sortent ne ressemblent à rien de déjà entendu-, qui met fin dans la furie à un disque indispensable, historique même, que je ne peux que vous recommander chaleureusement.
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TRACKLISTING:

Side One

  1. "Wake Up and Make Love With Me" – 4:23
  2. "Sweet Gene Vincent" – 3:33
  3. "I'm Partial to Your Abracadabra" – 3:13
  4. "My Old Man" (Dury, Steve Nugent) – 3:40
  5. "Billericay Dickie" (Dury, Nugent) – 4:17

Side Two

  1. "Clevor Trever" – 4:53
  2. "If I Was With a Woman" – 3:24
  3. "Blockheads" – 3:30
  4. "Plaistow Patricia" (Dury, Nugent) – 4:13
  5. "Blackmail Man" (Dury, Nugent) – 2:14
Le Myspace de Ian Dury

Le Site de Ian Dury