lundi 21 décembre 2009

Kill The Thrill-Tellurique (2005, Season of Mist)

J’ai récemment chroniqué BASTARD en qualifiant ce groupe d’incontournable de la scène française des années 90, l’incluant dans une liste dont faisaient partie les excellents KILL THE THRILL. Eh bien leur tour est venu et après avoir dévoré leur Dig, je me charge aujourd’hui de ce Tellurique à couper le souffle. Le trio nous donne ici une leçon d’indus méchamment troussé, s’appuyant sur des guitares massives, des basses sourdes, et une boite à rythmes plombée. Le chant de Nicolas Dick vient parfaire cette ambiance certes exigeante, pas forcément facile à appréhender mais qui, au fil et des écoutes et si l’on se donne la peine de s’investir, dévoile mille et une richesses au fur et à mesure de ces écoutes jusqu’à s’avérer addictive. Le trio se pose en parfait « concurrent » de TREPONEM PAL ou des YOUNG GODS, en faisant preuve de la même habileté à mêler lourdeur et légèreté, s’approchant en cela de l’excellent Excess and overdrive des Parisiens malheureusement aujourd’hui disparus, ou de certaines oeuvres de GODFLESH.
Dès le massif, presque inerte A little sait for a better feeling, le ton est donné et l’ambiance glaciale, accentuée par le mal-être, la sensation de malaise qui se dégage du chant de Nicolas Dick, nous gagne ostensiblement. Celui-ci module superbement son chant qui, s’il privilégie évidement la profondeur et le côté déchiré, malsain, fait étalage de qualités mélodiques évidentes et se montre envoûtant, irréprochable quelle que soit l’ambiance développée. Et quand arrive Permanent imbalance, mon titre favori sur cet album, eh bien ça y est, on réalise qu’avec les marseillais, on est dans le haut de gamme, dans un domaine musical unique et au sein duquel le groupe est dans son élément et nous tisse des toiles sonores denses, riches et captivantes. Enlevé et intense, ce titre explore tout ce que sait faire le groupe, constituant en quelque sorte un panorama du panel parcouru sur Tellurique. Un titre magique, dont les guitares tournoyantes sont tout simplement irrésistibles. La diversité est de plus de mise sur cet album, en atteste An undefinite direction, lourd et lent, et le Non existence qui lui succède, plus rythmé et plus mélodique, ces titres nous montrant que KILL THE THRILL, s’il fait plutôt dans le lourd et oppressant, sait varier les plaisirs, et les climats, avec un talent jamais démenti.
Arrivent ensuite un Soave chanté par Marylin, qui réussit le tour de force de sonner à la fois lourd et trépidant, nouvelle preuve du talent de composition affiché par KILL THE THRILL depuis ses débuts, puis Like cement, dépouillé, presque minimaliste, Nicolas chantant une fois de plus avec une profondeur époustouflante et élevant ce morceau vers les sommets. Et sur la suite de ce disque, sont déclinées les mêmes ambiances, qu’elles soient de front ou distinctes, ceci avec une maestria qui n’appartient qu’au trio de Marylin Tognolli.
Lourd et hurlé sur Diaphragme, saccadé sur Head et j’en passe…les six-cordes de Fred de Benedetti faisant merveille tout au long de cet album ensorcelant.
Avec en point d’orgue, une reprise magistrale du Us and them de GODFLESH, devant laquelle Marco Neves et les TREPONEM PAL seraient restés sans voix, sans parler des intéressés eux-mêmes, et qui s’achève sur un rythme débridé ; une réussite totale. Et au-delà de ce titre, un album indus de tout premier ordre, pour un groupe désormais incontournable. Splendide.
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TRACKLISTING:
1. A little Salt for a better Feeling
2. Permanent Imbalance
3. An indefinite Direction
4. Non Existence
5. Soave
6. Like Cement
7. Diaphragme
8. Head
9. Body
10. Mistaken Solutions
11. Us and them
12. The Finish

Myspace KILL THE THRILL

mercredi 25 novembre 2009

Epileptic - The First Day Of Our Second Life (2004, Rejuvenation Records)

Epileptic vient de Poitiers, ville de nombreuses formations rock souvent hors-normes, toujours valeureuses, et a pour label Rejuvenation; c'est dire si le trio issu de la Vienne, rien que pour ces deux constats, est digne d'intérêt. La "littérature" autour d'un groupe ne faisant toutefois pas à elle seule sa qualité musicale, il importe de préciser que dans le cas de David : batterie / choeurs, Sam : guitare/chant, et Ghis : basse, ces derniers justifient amplement la curiosité que peut susciter un tel "pedigree", oscillant entre rock brut mais aussi très sensible, élans écorchés et sonorités rappelant furieusement les productions Dischord.

Cependant, Epileptic brasse tout cela selon une démarche très personnelle, et l'on sent qu'il a su trouver, en oeuvrant depuis 1995, une cohésion certaine et élaborer un panel musical varié et constamment attrayant. Une mélancolie captivante et communicative, façon Chokebore, parcourt ce disque aux neufs titres sans failles, également animé par une belle énergie à la Jawbreaker, qui débute avec un Little River associant justement avec adresse ton tristounet et vigueur rock (dé)bridée. Epileptic affiche et revendique une pluralité d'influences dont il a de toute évidence réalisé l'amalgame abouti, celles-ci se voulant le reflet d'une ouverture et d'une diversité que le trio réinvestit ici avec à-propos.
Ainsi, Settle Down, doté d'une sensibilité pop de bon aloi, noyée dans le flux d'un rock tendu, évoque certains des groupes aimés et écoutés par les poitevins, et ceux-ci, éloignés de toute démarche commerciale, s'appuient sur cela pour construire un rock singulier, qu'on aime justement pour l'excellence des formations qu'il évoque, mais aussi et surtout pour son contenu et son juste dosage entre les styles qui le caractérisent.

En outre, et c'est peut-être là la clé de leur réussite, des touches émo recurrentes, bien distillées comme sur le fin et vivace Strayed, jalonnent l'album de façon remarquable. Et des plages nuancées, émotives et délicates (Weather The Storm) apportent une contribution intéressante à cet éventail musical plus que plaisant.
Il est à souligner qu'Epileptic a partagé la scène avec, entre autres, Tantrum, Hint, Seven Hate, , Sloy, Dead Pop Club, Les Wampas, Robocop Kraus, Monochrome, Myra Lee, Oliver Twist, Enon, Against Me, Karate etc....
On s'étonne d'autant moins de sa dextérité et de son "brassage" sans fautes, soniquement illustré par Teen Soldier, dernier morceau de la face A de ce vinyl à l'intérieur duquel on peut de surcroît trouver les paroles des neuf titres de The first day of our second life. Vivacité, fougue rock et ressentis émo font bon ménage et feront également de la face B une réussite incontestable, à commencer par 4 years, 4 roses qui exhale des sonorités cold confirmant l'esprit "large" des trois complices, pour aboutir à The First Day Of My Second Life, posé et épris de tristesse, de résignation, après un Father's Eyes alerte et assez furieux en sa fin ou encore un The last Days Of The Working Class légèrement noisy, aussi séduisant, brut et fringuant que ses prédécesseurs.

Sans détours, mais subtil, simultanément énergique et raffiné, l'univers d'Epileptic envoûte, et on peut dire que Rejuvenation a eu du flair en signant cette formation qui, après un split avec Tantrum à ses débuts, puis deux albums avant lesquels il y eut aussi un 6 titres et un 45 tours Poitier's Burning, nous gratifie là d'un opus de haute volée.
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TRACKLISTING:
1. Little river
2. Settle down
3. Strayed
4. Weather the storm
5. Teen soldier
6. Four years four roses
7. The last day of the working class
8. Father's eyes
9. The first day of my second life

Myspace EPILEPTIC
Site EPILEPTIC

mardi 13 octobre 2009

Echo And the Bunnymen - The Fountain (2009, Warner)

Après un Siberia plutôt bon, qui marquait donc un retour assez convaincant de la formation liverpuldienne, Echo And The Bunnymen réapparait avec ce nouvel album d'obédience pop-rock, sur lequel ne subsistent que peu de traces des élans cold qui pouvaient caractériser Crocodiles ou Porcupine.

Une intervention inattendue et dont on peut craindre le pire en termes de résultat, celle de Chris Martin, lance l'album...de belle manière, sur ce Think I need it too énergique et rock, tout en exhalant une sensibilité pop bienvenue. Passé ce "test" déterminant, Ian Mc Culloch et son groupe confirment avec un Forgotten Fields aux guitares à la fois enjôleuses et appuyées, plus saccadé que le morceau introductif mais tout de même concluant. Les choses semblent alors s'annoncer sous les meilleures auspices, d'autant qu'un Do you know who I am? rapide et percutant fait de ce premier tiers d'album une entrée en matière sans fautes, Shroud of Turin confirmant ensuite ceci avec ses mélodies pop scintillantes bousculées par des guitares vivifiantes aux motifs marquants. Bonne impression encore à l'écoute de Life of 1.000 crimes, même si on ne peut s'empêcher de se dire que Sergeant and Co pourraient élaborer quelque chose de plus significatif, moins communément pop-rock. Ce petit regret subsiste au moment d'aborder The Fountain, certes bon mais au format un poil trop lisse. Le groupe réussit certes ce qu'il entreprend, mais connaissant ses possibilités, on reste sur notre faim et on attend de lui une réussite intégrale, et plus d'initiatives, plutôt qu'un disque uniquement porteur de trois ou quatre titres indispensables. Everlasting neverendless efface un peu ce ressenti en affichant une belle énergie, toujours conjugués avec bonheur à des inflexions pop bien ficelées, sans qu'on ne parvienne, cependant, à se défaire de l'idée qu' Echo And The Bunnymen est capable d'allier à cette pop-rock attrayante des orientations "autres", peut-être plus en lien avec les albums cités en début d'article. Proxy, le titre suivant et aussi bon qu'il soit, confirme mes dires, de même que Drivetime dont le niveau élevé permet heureusement de rendre le disque assez bon pour qu'on l'accepte tel qu'il est, sans cette pointe de nostalgie ou d'exigeances trop poussées. Puis Idolness of gods, posé, met fin de façon (trop?) apaisée, pas vraiment éloquente, à un bon opus.

Subsiste alors une interrogation; aussi valeureux soit-il, The Fountain s'avèrera t-il durable, ou sera t-il l'album de quelques semaines, dans l'attente de travaux à suivre plus poussés et moins timorés? La réponse est pour l'heure difficile à donner et pour le moment, profitons sans modération du bon nombre de réussites qu'inclut l'opus en présence.
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TRACKLISTING:
1. Think I Need It Too
2. Forgotten Fields
3. Do You Know Who I Am
4. Shroud Of Turin
5. Life of 1,000 Crimes
6. The Fountain
7. Everlasting Neverendless
8. Proxy
9. Drivetime
10. The Idolness Of Gods

Myspace ECHO AND THE BUNNYMEN

lundi 12 octobre 2009

Jay Reatard - Matador singles '08 (2008, Matador)

C'est avec ce recueil de singles (issu de chez Matador, ce qui constitue déjà un sérieux gage de crédibilité) que JAY REATARD, grand enfant capable de trousser un titre détonnant entre l'apéro et l'entrée, s'est fait connaitre. En l'espace de quelques jours, son nom était non pas sur toutes les lèvres, mais au minimum sur celles du public averti. Ceci pousse pour le moins à la curiosité, en même temps que point ce scepticisme lié à tout "buzz" soudain autour d'un artiste.

Eh bien dans le cas qui nous intéresse, on ne peut que constater que celui qui entoura la sortie de cette compilation est entièrement justifié. En pleine époque dévolue aux revivals, Jay Reatard insuffle avec ce disque une belle bouffée de fraicheur, de spontanéité noisy 90's, nous ramenant à un temps ou le rock se voulait cru, souvent rythmé et porteur de mélodies marquantes, la plupart du temps englouties dans le flot d'une lo-fi, ou d'une noisy-pop, délectable et brouillonne sans toutefois se montrer indigeste. Et sur les treize titres de ce disque, aucune faute de goût n'est à déplorer, celui-ci ressemblant à un panorama séduisant de ces regrettées 90's.

Partant de formats courts, Jay nous aiguille d'entrée sur la bonne voie avec See Saw, aux élans évoquant I Should Coco des Supergrass, tant sur le plan vocal qu'au niveau des mélodies, et sonore avec un son à peine dégrossi qui sied à merveille au registre du bonhomme. Ca continue ensuite avec Screaming Hand, ses guitares excitées et sa rythmique agitée, puis sur l'album en entier, Jay ayant de plus le bon goût de reprendre le Fluorescent Grey de Deerhunter. Entre Painted Shut, fait d'une pop vive, à I'm Watching You, lancinant et décoré par des motifs sonores cette fois posés, le sauvageon inspiré fait preuve d'une verve et d'une inspiration qui laissent d'ores et déjà augurer du meilleur en termes de carrière et de productions futures, ceci nous réjouissant d'autant plus au vu de la productivité de notre ami. Ce dernier peut faire dans une acoustique débridée (An Ugly Death) pour ensuite s'embarquer dans une échappée noisy/lo-fi remuante (Always Wanting More) et jouer, suite à cela, une pop à la Supergrass, influence évidente au même titre que Sebadoh et les Pixies, et plus globalement les années 90, sur You Mean Nothing To Me. On appréciera donc grandement l'immédiateté de ses morceaux, ses guitares de caractère (Trapped Here, remarquable) et son chant nasillard, semblable par sa tonalité à celui d'un ado à peine sorti des affres de l'état prè-adulte. Ses chansons les plus courtes, tel ce Hiding Hole et ce D.O.A. furibards, le second dans un esprit punk affirmé, s'avèrent irrésistibles. Et comme le gaillard sait aussi s'y prendre dans un domaine acoustique proche du Sebadoh le plus assagi qui soit (No Time, You Were Sleeping), le tableau final est d'autant plus attrayant, et cet album s'impose comme l'une des grosses surprises de l'année 2008, et tout simplement comme une acquisition impérative pour tout amateur de rock éruptif et pleinement 90's. Ce que confirmera d'ailleurs l'excellent Watch Me Fall, sorti récemment et qui inclut lui aussi sa fournée de morceaux incontournables et turbulents.
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TRACKLISTING:
01. See Saw
02. Screaming Hand
03. Painted Shut
04. Ugly Death
05. Always Wanting More
06. You Mean Nothing to Me
07. Fluorescent Grey (Deerhunter)
08. Trapped Here
09. Hiding Hole
10. DOA
11. No Time
12. You Were Sleeping
13. I'm Watching You

Myspace JAY REATARD

Site JAY REATARD

dimanche 11 octobre 2009

(swell) - South of the rain and snow (2008, Talitres)

Exit Monte Vallier et Sean Kirkpatrick, c'est maintenant David Freel qui officie, seul, aux commandes de Swell, "rebaptisé" (swell). Auteur d'albums magiques, et majeurs au folk ombrageux et électrifié selon un dosage juste (Well?, 41, For All The Beautiful People, pour n'en citer que trois), Freel n'a pas perdu la main, loin s'en faut, suite au départ de ses acolytes, et signe là un album magnifique, frappé du sceau d'une mélancolie peut-être plus accentuée encore qu'au temps du trio.

Le très pur Kicking All Them Ghosts, dont l'intitulé suffit à lui seul à nous saisir l'état d'esprit de son auteur, débute d'ailleurs dans le plus simple appareil; guitare sèche et voix, tranquille et épurée, doublée de choeurs sobres, pour une introduction tout en douceur. Sur la suite, le désabus de David prend une tournure un peu plus étayée, bien que restant très mesurée. Trouble Loves You, second morceau, amenant un rythme doux mais régulier, la superbe voix faisant le reste, accompagnée par cette guitare céleste et l'orgue de Nick Lucero qui joue aussi de la batterie pour les besoins de cet album. D'un état d'esprit sombre, Freel réalise en mise en son superbe et plus qu'intéressante, jouant son folk/rock en le revêtant de beaux apparats, simples et pourtant décisifs quant à la magie qui émane de l'album en question. Le troisième morceau, Saved By Summer, en est le parfait exemple, avec, toujours, des guitares fines et remarquables, l'orgue planant et ce rythme de batterie dont le côté désinvolte cache la qualité de l'intervention.
De motifs sonores presque effacés (la guitare de Comes Right Here), SWELL fait un argument déterminant, et sur certaines chansons, il rend sa musique plus vivace, plus ouvertement électrifiée, ce qui débouche sur de superbes travaux comme Our Aquarium. Cette option s'affirme d'ailleurs ensuite, sur South Of the Rain And Snow par exemple qui est aussi l'un des plus longs formats du disque. La guitare se fait plus mordante, tout en gardant son côté délicat, Freel ne se départissant qu'à peine de sa mélancolie. Celle-ci, il faut le dire, lui sied à merveille et "éclaire", si l'on peut dire, les morceaux de ce superbe opus. Et quand les élans plus modérés, quasiment à nu, de SWELL, reprennent le dessus (Good Good Good), le charme reste le même. SWELL marche à la passion, se livre sans fard, et use donc d'une tristesse récurrente pour écrire et composer de superbes morceaux. Tell us All reflète bien cette sincérité et la "recette" de David Freel, et nous régale de guitares aux riffs noisy alliées à des accords nettement plus doux.
Aucune prise n'est offerte à la médiocrité et SWELL réussit tout ce qu'il entreprend, comme ce The Measure Of This Moment qui offre lui aussi de douces trainées noisy, puis pour finir, Waiting For A Beer, apaisé et qui permet à Freel de finir sur une note tout aussi cafardeuse, et captivante, que sur le restede son album .

SWELL livre donc avec ce South Of The Rain And Snow un disque de toute beauté, à l'image de The Lost Album, pour nous ramener aux plus beaux moments d'un Too Many Days Without Thinking et perpétuer l'enchantement, teinté de désabus, généré par chacune de ses productions discographiques.
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TRACKLISTING:
1. Kicking All Them Ghosts - 2. Trouble Loves You - 3. Saved By Summer - 4. Comes Right Here - 5. Our Aquarium - 6. South Of The Rain And Snow - 7. Good Good Good - 8. Tell Us All - 9. The Measure Of This Moment - 10. Waiting For A Beer

Myspace SWELL

Site SWELL

samedi 10 octobre 2009

Clinic - Visitations (2006, Domino Records)

Venu de Liverpool, CLINIC propose depuis plusieurs albums un rock à la coloration post-punk assez obscure, élaborant une sorte de trame noisy sur fond de vocaux évoquant un Thom Yorke un peu moins porté vers l'introspection, sortant de sa torpeur et chantant en parfaite adéquation avec les ambiances tissées par les liverpuldiens. Un certain effet psyché se dégage de l'ensemble et si le son se veut quasi-impénétrable, et ce dès le début de Family, Clinic s'ouvre à un semblant de luminosité, comme sur Animal/Human, en parvenant à maintenir un niveau très respectable.

C'est cependant les climats noirs que le groupe privilégie, Gideon démontrant cela tout en exposant des claviers aux nappes froides. La structure des morceaux reste simple et un air de Suicide flotte non seulement sur ce titre, mais aussi sur la plupart des autres. Sulfureux, exalté et sortant des sentiers battus, Clinic offre une alternative excitante et crédible au rock de cette décennie, qui de son côté ne livre plus grand chose de réellement original. Des morceaux courts comme Tusk sont animés d'une énergie punk dévastatrice et de guitares noisy délectables, et rompent quelque peu avec les titres ombrageux qui jalonnent ce Visitations, et une clarté bienvenue émerge de Paradise, le tout restant bien entendu dans un format au sein duquel l'allégorie domine. Et si on préfère souvent la formation anglaise dans ses moments les plus opaques (Children Of Kellog, imparable), celle-ci se diversifie en restant fidèle à sa ligne directrice initiale, comme sur If You Could Read Your Mind qui me fait penser au dernier Primal Scream, Beautiful Future, et même à leurs productions antérieures. Rien n'est à jeter ou même à négliger sur cet album qui confirme le statut du groupe, lequel s'offre même un temps acoustique sombre et pur sur Jigsaw Man et ses percussions dépaysantes, revenant ensuite à une électricité compacte. Enfin, Clinic se retranche pour finir en territoire usuel et connu sur The New Seeker, avant d'imposer une atmosphère plus posée, et plus "éclairée", sur Visitations, ceci en se montrant bien évidement parfaitement convaincant.

Voilà donc un groupe qui a su créer son propre style, l'imposer et le faire perdurer en l'affinant peu à peu jusqu'à composer des albums aboutis et singuliers, ce qu' est ce Visitations qui donne l'envie incoercible de continuer l'écoute et de se plonger, en ces temps ou la scène actuelle se retrouve dans l'impasse ou ne trouve son salut que dans les revivals en tous genres (parfois réussis, il faut le dire), dans le reste de sa discographie.
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TRACKLISTING:
1. Family
2. Animal/Human
3. Gideon
4. Harvest (Within You)
5. Tusk
6. Paradise
7. Children of Kellogg
8. If You Could Read Your Mind
9. Jigsaw Man
10. Interlude
11. The New Seeker
12. Visitations

Myspace CLINIC

Site CLINIC

vendredi 9 octobre 2009

Nodzzz - Nodzzz (2009, What's Your Rupture?)

Il y a des jours où l'on se sent chanceux, à la limite du privilège, et c'est un peu le cas pour moi ce soir. Ayant demandé à recevoir l'album de Music Is Not Fun, espoirs français à suivre de près, voilà que dans le même colis, je reçois le cd d'un autre espoir niçois de haute tenue, Quadricolor, et surtout, cet album d'un incroyable trio américain nommé Nodzzz.

Influencé, comme le dit sa page Myspace, par The SF Public Library, New York/New Jersey mental hospitals from the 50's and 60's, British New Wave singles from the 70's and 80's, California nude beaches. Nodzzz, etc... (tout un programme), Nodzzz balance, en dix titres et même pas seize minutes, un condensé impressionnant de vigueur rock rétro, mélodique et énergique à la Buzzcocks ou Pistols, superbement actualisé sans perdre de son "ancienneté". Brefs, sans fioritures, dotés de voix à la limite du punk et de guitares loquaces et mordantes, ces dix morceaux sont tout simplement des bombes rock et ce disque une bourrasque imparable, en même temps qu'une découverte retentissante. Entre In the city (protect high), léger et modéré et porteur de cette élégance passéiste irrésistible, Is she there? en ouverture, qui ferait pâlir de jalousie Pete Shelley et sa clique, ou ce Highway Memorial Shrine urgent, le trio constitué de Sean Paul Presley, Anthony Atlas et Eric Butterworth semble donner une leçon, entre autres, à une perfide Albion prisonnière de son passé et dont la scène commence à se mordre la queue tout en perdant de sa fraicheur et de sa spontanéité. Cette immédiateté, Nodzzz la possède et la maitrise au point d'en faire le fer de lance de son registre, j'en veux pour preuve, justement, Simple Song, qui comme son nom l'indique est d'une simplicité désarmante et d'une efficacité tout aussi renversante. C'est aussi le cas de Controlled Karaoke et es "lalalalala" addictifs, qui met fin à la face A (le trio a en outre décidé de partager son album en deux faces, à l'ancienne donc et comme sur les vinyls) avec bonheur.

Quant à la face B, elle est bien évidemment du même tonneau, d'autant que I have badnews et ses sifflements l'inaugure brillamment, suivi par Losing my accent, plus pop, valorisé par des mélodies dont Nodzzz garde jalousement le secret dans les recoins de sa matière grise. I can't wait enfonce ensuite le clou de ce rock qui m'évoque d'ailleurs le patchwork gentiment rétro qui fit du I Should Coco de Supergrass un classique quasi-instantané, dont une seule écoute permettait de rendre immédiatement compte de l'immense qualité. Qualité que l'on retrouve égale sur I was my parents vision, doté de choeurs aussi marquants que ceux de Controlled Karaoke, et sur City has no eyes, fonceur et porté par des riffs que tout rockeur digne de ce nom éprouverait une grande fierté à savoir jouer.

Super opus donc, et découverte aussi inattendue qu'éblouissante, dont la valeur, la fougue conjuguée à des mélopées mémorables, et la courte durée en font un indispensable à écouter des dizaines de fois en une seule et même journée.
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TRACKLISTING:
Face A;
1. Is she there?
2. Highway memorial shrine
3. In the city (contact high)
4. Simple song
5. Controlled karaoke

Face B;
1. I have bad news
2. Losing my accent
3. I can't wait
4. I was my parents vision
5. City has no eyes

Myspace NODZZZ

Site NODZZZ
A1: Is She There

Josh "Position Number Nine" (2009, My Mib Records/Swarm records)

JOSH nous avait déjà rassasiés avec un My Storm aux airs de référence noise, ce premier jet lui permettant de venir se placer en pôle position de la mouvance, aux côtés des Basement et autres Royal Mc Bee Corporation, ou encore d'Aghostino, autre formation au registre probant et sans failles. Voici donc venue l'heure du second effort et là, les Aquitains emportent la mise avec une aisance déconcertante, tant et si bien qu'on se demande, au final, pourquoi cette formation ne suscite pas un "buzz" plus conséquent dans notre pays si frileux en matière de prises de risques.

Des risques, Josh en prend -on peut le comprendre tant ses compétences et son savoir-faire le lui permettent- et débute d'ailleurs par une bourrasque noise, Position Number Nine, superbement ornée de mélodies constituant le parfait contrepoint de ce chant hurlé dont on raffole. L'équilibre est parfait, le son clair et massif à la fois, et le groupe place d'emblée la barre très haut. S'il se prétend et se reconnait noise, Josh possède en effet les qualités requises pour transcender le genre et lui amener un second soufle, ce que vient démontrer Not Starved Of You et ses brusques embardées noise assorties d'accélérations rythmiques bien amenées. Tout en maintenant une certaine tension, Josh fait respirer ses morceaux et livre une alternance "climatique" de bon aloi. Non content de cela, il pousse la démarche au morceau suivant, I.K.W.Y.W.H.M, lourd et qui, à l'image de leurs potes de Basement sur Everything Gets Distorted, s'offre des breaks mélodiques magistraux, de même qu'une "relance", basée sur une basse proéminente, tout bonnement renversante. La complémentarité dans le chant est d'ailleurs d'un apport conséquent et contribue à la diversité proposée, et cette variété, le titre suivant, Ocean of Sorrows, l'illustre de belle manière en imposant une trame presque cold. Mélancolique, reposant sur une atmosphère prenante et répétée, cette chanson entérine définitivement l'étonnante habileté de Josh à composer des morceaux qui, au delà de leur appartenance première à la noise, outrepassent celle-ci pour s'aventurer dans d'autres territoires en restant immanquablement captivants et performants. Sur le morceau qui suit, Want, c'est le registre post-hardcore qui est abordé et le côté massif puis galopant, ensuite étayé par un rythme débridé, qui prévaut, les cassures de rythme s'avérant aussi justes que précédemment. Puis sur Ambroise Amere, l'ambiance est à l'ambivalence entre chant crié et trame musicale plus légère quoiqu'assez intense, la basse amenant soudainement le morceau vers d'autres sphères, aidée en cela par des guitares remarquables.

La surprise, l'initiative, le refus de se cantonner à un style et à une démarche figés sont donc ici de mise et débouchent sur un album majeur, puissant et nuancé avec maestria. Et ce n'est pas le dernier morceau, un Gastroentéropode subtil dans son intro puis plus colérique, chanté en Français sans que cela ne dénote le moins du monde, qui démentira mes propos. Il y a dans ce titre du Virago, tant dans le texte que dans le climat lié à la chanson, l'album prenant donc fin sur une note aussi marquante que ce qui précède. Pas tout à fait cependant puisque passé ce titre, à moins qu'elles n'en soient partie intégrante, Josh nous gratifie de plusieurs minutes changeantes dans leurs humeurs, représentatives d'ailleurs de l'opus en présence de par la pluralité de leurs atmoshères.

Pour conclure et sans épiloguer, ce second jet confirme les espoirs que l'on pouvait placer en Josh et trouvera, le contraire serait incompréhensible, une place de choix au sein de la scène française. Ce qui serait la moindre des récompenses sachant qu'à l'écoute de ses travaux, le combo mériterait largement une reconnaisance plus étendue.
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TRACKLISTING:
1. Position number one
2. Not starved of you
3. I.K.W.Y.W.H.M
4. Ocean of sorrows
5. Want
6. Ambroisie amère
7. Gastroentéropode

Myspace JOSH

Site JOSH

TeTsuo - Cousu Main (2009, A Tant Rêver Du Roi)

Pau, une fois de plus. A Tant Rêver Du Roi, de même. J'avoue faire preuve d'un intérêt tout particulier pour ce collectif productif et inventif, adepte du DIY (Do It Yourself) et d'un travail sérieux et abouti tout en se voulant résolument décalé.

De cette démarche naissent des albums uniques en leur genre ( les derniers Kourgane et Sibyl Vane, entre autres et de façon non-exhaustive, loin s'en faut), dont ce Cousu-Main bien nommé n'est pas des moindres. Arnaud Millan et Alexis Toussaint, aidés sur ce disque par une kyrielle d'invités, dont Dawn Mc Carthy (Faun Fables) et Elyas Khan (Nervous Cabaret), pratiquent ce qu'ils définissent comme étant "un post-rock jazzy fait pour être hurlé dans un cabaret en flammes, théatre d'histoires plus stupides les unes que les autres". C'est en effet ce que l'on retrouve sur ce disque qui a pour particularité d'être leur premier sous une forme acoustique et retient notre intérêt du début à la fin, par le biais d'un éventail musical large et soigneusement élaboré.

Si l'on n'est pas éloignés, en certaines occasions, de l'émotion pure d'un Radiohead (Teeth And Bones), des envolées enfiévrées, dignes en effet d'un cabaret enfumé, sont à relever et donnent de la superbe à un disque déjà étincelant. C'est le cas par exemple sur A Door In A Skull, et l'on note qu'ici, à l'instar des autres productions ATRDR, chaque morceau possède un pouvoir de séduction, une accroche, loin d'être négligeable. Celui-ci se voit d'ailleurs accentué par la richesse instrumentale que permettent les intervenants; on retrouve par exemple une vielle à roue, des ondes Marthenot, un xylophone, un trombone ou du saxo, cette pluralité étant de toute évidence d'un grand apport. Chaleureux et dynamique, le son de TeTsuo envoûte et affiche un cachet particulier, se dotant d'envolées rageuses, comme sur Chirugical Chill, qui cependant ne se déparent jamais de l'émotion liée à la dizaine de morceaux de l'opus. Et c'est en effet bien à du Cousu-Main que l'on a droit, à un travail d'orfêvre minutieux et instinctif à la fois. Une forme d'excentricité sonore géniale (The Other) rend l'oeuvre de TeTsuo plus singulière encore, et l'on se délecte de cette multitude de sonorités délicates et enlevées, de ce chant "pluri-émotionnel", de ce parfait dosage entre douceur et révolte magnifiquement sonorisée. Dans un style saccadé et relevé par un cornet et un xylophone, Twisting Magnets captive lui aussi sans attendre, de même que The Day Pigs Will Fly, qu'on imagine plus encanaillé encore dans les conditions du live. Et pour finir, un titre court et lui aussi délicieusement excentrique, Gargantua, achève de faire de ce disque une pièce indispensable et sans réel équivalent dans son style.

Un incontournable de plus, donc, à l'actif du collectif palois...en attendant une suite dont on ne doute pas qu'elle sera de même teneur et dans le même esprit.
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TRACKLISTING:
01
Body Map

02
Teeth And Bones

03
A Door In A Skull

04
Bill's Men

05
Chirurgical Chill

06
UneTrappe Dans La Paume De La Main

07
The Other

08
Twisting Magnets

09
The Day Pigs Will Fly

10
Gargantua

Myspace TeTsuo

Site TeTsuo

?ALOS - Ricamatrici (2009, Bar La Muerte)

Après un premier album déjà bien barré, et des travaux de même teneur, c'est à dire expérimentaux et excellents, avec Allun et Ovo, Stefania Pedretti, aka ?ALOS, nous revient dans un esprit similaire sur ce nouvel album au concept original.
En effet, Stefania s'appuie sur l'évocation, sonore et textuelle, des métiers féminins, et cette fois, elle choisit d'aborder le métier de couturière. Partant de là, elle narre le voyage d'une couturière et ses différents moments forts, ce qui explique la présence d'interludes servant à différencier les lieux et les périodicités, et fait de ce nouvel opus un temps lui aussi marquant, frappé du sceau des expérimentations dont l'Italienne est friande et coutumière. C'est ici le piano qui domine les débats, allié à la voix aux tonalités variées, souvent très expressives, d '?ALOS. Et l'on passe d'instants relativement sereins (Tulle, cependant ombrageux, doté de ces sonorités qui font toute la sève de l'album tout en permettant à l'auditeur de situer les différents temps du récit, puis un Un Giorno complètement apaisé) à des plages autrement plus tourmentées (Ricami, obscurci par une voix...digne d'une sorcière et une trame musicale élégante mais crépusculaire, pessimiste dans ses sonorités). Il en va d'ailleurs ainsi tout au long du disque, changeant dans son tempérament et reflétant joliment l'habileté de Stefania à mettre en son, de façon adroite et hors-normes, des sentiments divers. Même les intermèdes, courts, exprimant cela avec brio.

On remarque d'ailleurs que c'est sur les moments les plus assombris (Punto Lacrima) qu'elle se distingue par une opposition remarquable entre son chant, presqu'enjoué, et une enveloppe sonore laissant augurer du pire, ce que confirme le morceau suivant, ce Puno Ombra au piano d'une noirceur affirmé, le chant appuyant ce ton à la limite de l'effrayant et, en tous les cas, captivant au possible. Par les climats qu'elle met en place, ?ALOS parvient à nous imposer des ressentis leur étant similaires, nous amenant à vivre son album avec une intensité proche de celle qui fut la sienne, sans aucun doute, au moment de l'écriture et de la composition. On prend ainsi peur sur Sartine, ce sentiment s'intensifiant ensuite sur La macchina da cucire, la voix menaçante et étonnamment évocatrice se mariant parfaitement avec les sons ténébreux du morceau. Ce tourment laisse ensuite place à une forme d'espoir sur Sospiri, sans toutefois que le morceau se dégage complètement de ce sentiment de malaise récurrent, puis sur Un’ora sola, cette lueur prend un peu plus d'ampleur, les retranscription sonores des sensations inhérentes à la narration s'avérant non seulement cohérente entre elles à l'écoute, mais aussi diablement atrayantes pour l'auditeur.

Cela ne surprend guère de la part d'?ALOS, dont le mérite, outre son esprit foncièrement expérimental, est de parvenir à raconter et exprimer avec, du début à la fin, un pouvoir d'attraction égal. La démarche s'achevant ici sur un Appunti di viaggio aux allures de voyage ferroviaire, comme un retour au bercail après un voyage fait, pour la couturière comme pour l'auditeur, de ressentis divers et contradictoires, et parfaitement traduit par cet album dont l'écoute révèlera à coup sur, au fil du temps, d'innombrables richesses.
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TRACKLISTING:
  1. Tulle
  2. Un giorno
  3. Ago e filo
  4. Ricami
  5. Punto intaglio
  6. Punto lacrima
  7. Punto ombra
  8. Sartine
  9. Punto croce
  10. La macchina da cucire
  11. Sospiri
  12. Un’ora sola
  13. Appunti di viaggio
Myspace ?ALOS

Site ?ALOS


jeudi 8 octobre 2009

KOURGANE "Heavy" (2008, Relax Ay Voo)

Abrité par le collectif palois A Tant Rêver du Roi, dont je ne me lasse pas de vanter l'esprit et les mérites, KOURGANE, groupe local, oeuvre, on pouvait s'en douter, dans une veine décalée, a-normale (et non pas anormale), et qui génère, à l'image de nombre de ses collègues de label, un résultat de grande valeur.
Si les bases de KOURGANE semblent, à l'écoute des premières mesures de Ovcara Sunflowers, se situer dans des sphéres noise, il est à noter que l'univers dépeint ici est fortement personnel, indénissable même. Et si le disque demende un effort d'adaptation, le jeu en vaut la chandelle tellement le produit fini s'avère bon. A partir de ce titre furieux, dément et saccadé tout en sachant se montrer plus direct, les palois élaborent des trames puissantes, usant aussi bien du Français que de l'Anglais, sur des textes semblant bruts dans ce qu'ils expriment, mais d'une qualité littéraire incontestable. On pense en ce sens à Virago, trio noise lui aussi lettré, la différence étant qu'avec KOURGANE, c'est à un son plus massif qu'on a droit (Virago était pourtant produit par David Weber, c'est dire la "massivité" du son de...Heavy, est-ce d'ailleurs un hasard si le groupe a nommé son disque ainsi?).
Tous les titres sont ici marquants et si le chant peut déranger au premier abord, on se prend très vite au jeu, comme sur l'incoercible Mariotte et finalement sur la totalité des morceaux. Les rythmes s'emballent, se font plus lourds, une basse groovy à souhait dynamise le tout, la voix agresse et captive tout en se montrant performante dans plusieurs registres. Et les guitares, affirmées et auteurs de riffs acérés, aportent leur contribution, et elle n'est pas des moindres, à ce tout fringuant. Il est d'ailleurs vain de chercher à distinguer tel ou tel titre, tous s'avérant être d'un niveau élevé, à l'image par exemple de ce Lounge lecture qui m'évoque Le Singe Blanc, excellent groupe messin, Kourgane faisant preuve, de surcroît, d'un belle maitrise instrumentale et "structurelle". Des gimmicks sonores enivrants (Morning Petimento) associés à la puissance de feu du quatuor font la différence et font d'une part de Kourgane un groupe précieux et délicieusement insubordonné, et d'autre part, de cet album une pièce maitresse d'une noise multiformes passionnante. Ecoutez donc ce Ce qui était prévisible impossible à endiguer, ou ce Conifères aux airs de Primus, doté de backing vocals affolés. Ou pour finir, un Chevreuil A presque funky en son début, mais façon Kourgane, c'est à dire assujetti à une forme de perversion, à une folie superbement mise en son, dans une lourdeur jamais dénuée de subtilité et truffé de bons plans musicaux et d'idée décisives à la pelle. On n'en ressort pas indemne et c'est exactement ce que l'on attend d'un album digne de ce nom. Kourgane nous l'offre sur ce Heavy génialissime, que je conseille à tout un amateur de rock sauvage et inspiré, à mille lieues des comportements par trop conventionnels d'une large frange de la scène "rock" de notre pays.
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TRACKLISTING:
1. Ovcara Sunflowers
2. Chemin Blanc
3. Mariotte
4. Coven Ambré
5. Lounge Lecture
6. Morning Petimento
7. Ce Qui Etait Prévisible
8. Conifères
9. Chevreuil A

http://www.myspace.com/kourgane

http://web.mac.com/jr666/kourgane/HOME.html

lundi 2 mars 2009

REDJETSON "Other arms" (2008, Gizeh Records)

A l'heure où je reçois ce cd des mains du groupe même, je me rends compte que celui-ci a splitté, ce que je ne peux que regretter à l'écoute de ce joyau bien calé entre post-rock plutôt vif et mélodies presque shoegaze, noyées dans des guitares magiques aux effets saisissants. Un morceau comme "Beta blocker", par exemple, nous sert des vocaux magnifiques, mélancoliques, sur fond de grattes d'abord doucereuses, puis qui partent dans une embardée noisy de bel effet, tandis que "For those who died dancing" impose ces guitares cinglantes d'emblée pour ensuite nuancer joliment son propos tout en gardant une certaine intensité et un climat à mi-chemin de la noirceur façon Interpol et d'envolées noisy façon My Bloody Valentine ou encore Ride. Cette pureté habilement souillée évoque également I like trains et bien que le groupe la malmène, elle reste intacte, droite et superbe au beau milieu de ces tourments instrumentaux. Cette sensation nous est imposée dès le morceau d'ouverture, "Soldiers and dinosaurs", sur lequel le chant de Clive Kentish, plaintif et marquant, porte vers les sommets un post-rock sonore et loin d'être ennuyeux, loin s'en faut, tant la trame sonore dans laquelle il se drape est bien ficelée. "Questions I don't want to ask" et "Count these demons" varient ensuite les climats avec bonheur, faisant cohabiter sérénité toute relative et plongées dans des contrées plus bruitistes, tout en jouant sur les brisures de rythme. Des violons viennent même enjoliver le second, faisant bon ménage avec des six-cordes expressives et captivantes.
Passé cette première partie du disque, on tombe à nouveau sur des morceaux accomplis, dont un "First of the 47,000" instrumental qui a pour mérite de nous montrer que REDJETSON affiche autant d'aisance dans un registre plus strictement post-rock, ou un "Threnody" plein de classe, sur lequel un violon une fois de plus décisif fait une apparition remarquée, laissant ensuite la place à des guitares fracassantes. Et pour finir, "These structures", à la fois intense et léger (et bien nommé dans le sens où les structures des morceaux de REDJETSON, et donc les siennes, n'obéissent pas à la norme et débouchent sur de superbes réussites), massif et noisy sur sa fin, achève avec majesté un album qui constitue l'une de mes principales découvertes de ce premier trimestre 2009.
Magnifique.
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TRACKLIST:
1. Soldiers & Dinosaurs 2. Beta Blocker 3. For Those Who Died Dancing 4. Questions I Don’t Want To Ask 5. Count These Demons 6. Witches At The Controls 7. First Of The 47,000 8. (g)Listen 9. Threnody 10. These Structures

mercredi 18 février 2009

Handsome Furs "Plague park" (2007, Sub Pop)

J'ai vanté les mérites du prochain HANDSOME FURS il y peu, je m'attaque donc ce soir au premier, tout aussi brillant et incandescent, truffé de perles rock mélodiques et enfiévrées. Désossé, porté par une voix habitée (je pense au Gun Club ou encore à 16 Horsepower pour ce côté possédé, émotionnel) et une instrumentation sans excès, grinçante et pure à la fois (un superbe "Hearts of iron" dont le titre définit bien le contenu de l'album), ce premier jet est un réussite d'envergure, intense et majeure.
Quand les Canadiens décident de poser le jeu, comme sur "Handsome Furs hate this city", bordé de touches électro marquantes et discrètes, la qualité est égale et confirme l'impression laissée par le titre d'ouverture: "What we had", torturé et mélancolique, rutilant comme un titre d' Archie Bronson Outfit.
Ce niveau élevé, HANDSOME FURS le maintiendra jusqu'au terme de ce disque, qui de ce fait s'impose comme un classique de rock écorché, sincère et sans artifices, habilement enveloppé d'une vêture tour à tour électro, rock ou mêlant les deux avec une justesse confondante.
"Sing! Captain" impose même un folk aux ruades électriques magiques, et "Dead+rural" une électro-pop dansante et rock, "The radio's hot sun" nous faisant l'honneur, lui, d'un folk pur et dur, abouti et captivant comme peuvent l'être les styles associés sur les autres morceaux.
Inutile d'épiloguer donc, cet opus est une merveille au même titre que le second, tout en s'en démarquant légèrement et en restant, parallèlement à cela, dans la veine HANDSOME FURS. Remarquable....
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TRACKLISTING:
1. What We Had 2. Hearts of Iron 3. Handsome Furs Hate This City 4. Snakes on the Ladder 5. Can Not Get Started 6.Sing ! Captain 7. Dead + Rural 8.Dumb Animals 9.In the Radio's Hot Sun

mardi 17 février 2009

Handsome Furs "Face control" (2009, Sub Pop)

J'ai parlé de WOLF PARADE, il m'est donc conseillé d'évoquer maintenant HANDSOME FURS qui inclut le leader de ces derniers et propose une musique au pouvoir de séduction similaire, et un résultat aussi génial, aux morceaux dont aucun ne peut souffrir la moindre critique.
La base, ici, est électro-pop est s'enrichit de sonorités rock ou cold ("I'm confused" pour la seconde option, matinée d'une touche new-wave superbement dosée, "Evangeline" pour la première). Ailleurs, c'est un format électro-pop hybride qui prévaut, bien équilibré entre les tendances exposées plus haut ("Legal tender", excellente entrée en matière), emmené et souligné par une voix entre sensible et exaltée, et des guitares inmanquablement inspirées, parfois vitriolées et cradingues ("Talking hotel arbat blues"), y vont de leur poussées significatives et d'un grand apport.
Un groove électro diabolique et dopé aux jolies mélodies ("All we want, baby, is everything") vient étayer la palette large et séduisante, cohérente aussi, des Canadiens. Celle-ci s'en tient en effet à une trame électro-pop qu'elle enveloppe de bribes de styles variés, prenant ça et là juste ce qu'il lui faut pour bâtir des titres marquants, juste et aboutis.
Une cold-wave trépidante, à la fois synthétique et organique, caractérise un morceau comme "I'm confused", symbôle parfait de l'adresse dont HANDSOME FURS fait preuve dans son brassage musical, qui prend en certaines occasions ("(White city)") des contours plus apaisés, moins directement agités, tout en demeurant parfaitement convaincant. Sur "Nyet spasiba", l'alternance séquences électro/ rythmes fonceurs, sur fond de guitares appuyées, prévaut et met en exergue la variété du disque, puis sur "Officer of hearts", le penchant plus doucereux du groupe, sous-tendu par des guitares acides et éparses, engendre une nouvelle réussite. Et comme "Thy will be done", fait d'un rock métronomique et plutôt offensif, et "Radio Kaliningrad", d'abord saccadé puis nettement plus appuyé, s'avèrent eux aussi excellents, on se retrouve au final avec un album indispensable, preuve éclatante de la qualité de bon nombre de side-projects, à se procurer au plus vite et qui figure déja dans mes impératifs de cette année 2009.

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TRACKLISTING:
01 Legal Tender 02 Evangeline 03 Talking Hotel Arbat Blues 04 (Passport Kontrol) 05 All We Want, Baby, Is Everything 06 I'm Confused 07 (White City) 08 Nyet Spasiba 09 Officer of Hearts 10 (It's Not Me, It's You) 11 Thy Will Be Done 12 Radio Kaliningrad

http://www.myspace.com/handsomefurs

The Wave Pictures "Instant coffee baby" (2009, Moshi Moshi / Cooperative Music)

Trio issu du coeur d'une Angleterre décidément très fiable en termes de groupes rock (malgré les hypes contestables bâties autour de la scène londonienne au sein de laquelle il y avait cependant beaucoup à prendre), THE WAVE PICTURES incarne la simplicité et perpétue cette démarche savoureuse et productive consistant à allier "ancienneté" et modernité pour construire des compos personnelles, oscillant entre pop, folk, rock épuré et écarts plus fougueux, à la croisée desquels il trouve un parfait équilibre.
En outre, la voix singulière de Dave Tattersall, très anglaise, distinguée et porteuse d'un je ne sais quoi de féminin, apporte un plus à ces treize chansons déja fringuantes. De l'élégance d'un "Avacado baby", assez folk, à un "Leave the scene behind" encanaillé (et qui m'évoque les Violent Femmes), aux cuivres de "I love you like a madman", mid-tempo magnifique, en faisant un détour par "Strange fruit or David" et son folk sautillant enjolivé par un violon altier, tout est bon et chaque titre vaut son pesant de cacahuètes. Des vélléités "oldies" telles que "Just like a drummer" enrichissent la palette du groupe, et renforcent l'évidence de ses mélodies, ce qui est aussi le cas de "Cassius Clay". Et côté pop-rock, "Friday night in Loughborough" et ses "lalalala", animé par un orgue (à moins que ce ne soit les guitares rockabilly de l'excellent grateux entendu ici) décisif s'ajoute à la liste, conséquente et équivalente à la quasi-totalité du disque, des morceaux indispensables et complets.

Très beau disque donc, qui suscite un intérêt croissant au fil des écoutes et met en parallèle, avec bonheur, des styles et des époques distincts et parfaitement unis pour les besoins de cet opus.
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TRACKLISTING:
1. Leave the Scene Behind
2. I Love You Like a Madman
3. We Come Alive
4. Kiss me
5. Instant Coffee Baby
6. Avacado Baby
7. Friday Night in Loughborough
8. Red Wine Teeth
9. Strange Fruit or David
10. Just Like a Drummer
11. I Rembered
12. January and December
13. Cassius Clay


Wolf Parade "Apologies to the queen Mary" (2005, Sub Pop)

Menés par Spencer Krug (Frog Eyes, Swan Lake) et Dan Boeckner d’ Handsome Furs, les deux superbes voix de cet album, les Canadiens de Wolf Parade signent là un super album, sur Sub Pop, premier gage de qualité, et de surcroît doté du même sens mélodique que leurs amis d' Arcade Fire, ce qui constitue un second atout aussi important que le premier.
Douze morceaux à la fois intenses et retenus, sobres et étoffés, réjouissent l'auditeur sur la plan qualititatif mais aussi sur la durée, ce qui en ces temps dévolus aux revivals de tous ordres n'est pas forcément donné à tout le monde.
Pop, rock, glam, élans mélodiques élégants et captivants, rythmes variés, textures sonores toutes aussi diverses, entrelacs claviers-guitares ("We built another world", c'est un peu ce qu'ils font sur ce disque, finalement), mélodies galopantes et soignées ("Fancy claps"), émotion habilement mêlées à une forme d'urgence rock ("Shine a light"): voilà, pêle-mêle et entre autres, ce que l'on peut trouver ici. Et la combinaison de ces éléments disparates débouche sur de grandes réussites, que j'aurais d'ailleurs toutes pu citer. Aucune erreur de parcours, aucun faux-pas ne vient troubler la marche des deux complices et de ce groupe avec lequel il va désormais falloir compter (ce que confirmera brillamment un "At mount zion" de tout permier ordre trois ans plus tard, toujours sur Sub Pop).
J'avoue cependant un gros faible, en dépit de cette formidable unité, de cette qualité constante, pour "It's a curse", rock et groovy, ou encore pour "This heart's on fire", dont l'alliage guitares-claviers évoqué en début d'article me pousse de façon incontrolée à réappuyer sur "play"...puis à réécouter l'intégralité de cet album que je considère, c'est dire, comme aussi bon que ceux de OF MONTREAL ou ANIMAL COLLECTIVE.

Pièce de choix donc, à découvrir sans plus attendre...
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TRACKLISTING:
1. You Are a Runner and I Am My Father's Son
2. Modern World
3. Grounds For Divorce
4. We Built Another World
5. Fancy Claps
6. Same Ghost Every Night
7. Shine a Light
8. Dear Sons and Daughters of Hungry Ghosts
9. I'll Believe in Anything
10. It's a Curse
11. Dinner Bells
12. This Heart's on Fire

http://www.myspace.com/wolfparade

mercredi 4 février 2009

FORDAMAGE "Belgian tango" (Kythibong records, 2008)

Kythibong Records, basé à Nantes, est décidément un pourvoyeur de groupes de qualité plus que sur, sachant qu'il nous a offert, entre autres, les derniers et brillants albums de BELONE QUARTET et THE HEALTHY BOY et qu'il héberge, entre autres, Mansfield.TYA, KOMANDANT COBRA ou encore 31 KNOTS. Ici, il s'agit de FORDAMAGE, quatuor nantais ayant débuté en 2005 et qui en est ici à son second album. Parallèlement à cela, ils tournent ou ont partagé la scène avec des formations telles que Papier Tigre, Sincabeza et Room 204, et dans l'international, The Ex, Robocop Kraus ou Unsane. Belles références donc, à partir desquelles on est légitimement en droit de s'attendre à du bon, à de l'unique surtout, connaissant la tendance qu'ont les groupes "made in Kythibong" à oeuvrer dans un créneau original et peu commun, qui jusqu'alors n'a généré que de l'excellence.
Eh bien cette fois encore, la formation mise à l'honneur tutoie le génial, cotoie l'excellent et se dote pour compagnon de route d'un esprit décalé et éclectique de bon aloi.
FORDAMAGE impose en effet sur ce disque une amalgame parfaite entre noise, post-rock et bourrades noisy, qui dix titres durant nous captivera à chacune de ses notes, nous réjouira par l'alternance de ses rythmes, par sa puissance et ses plages à la Well Spotted/FUGAZI ("ABCD", énorme).
Un son sauvage, à peine travaillé et pourtant parfaitement seyant, doté de voix qui se chevauchent et se répondent, dont une voix féminine à l'apport conséquent, tire ce disque vers le haut, à l'instar de la pelletée de bonnes idées jalonnant chaque titre.
Concernant ces mêmes titres, il serait logique et souhaitable d'écrire sur chacun d'eux, étant donné qu'il est impossible d'en dissocier un de l'ensemble tendu et compact qu'ils constituent, et que chacun possède des qualités intrinsèques de taille. Le style développé ici évoque chaque groupe nommé plus haut et pourtant, le rendu appartient à FORDAMAGE et l'assimilation que les nantais font de leurs goûts et influences est proprement renversante. A l'image de "La bagarre", furieux et remonté, ou d'un "Bounce up" court et mémorable, et plus simplement de l'intégralité de ce disque qui m'évoque un parfait et digne successeur du "Shine your star" des WELL SPOTTED, dans un style largement aussi personnel et abouti.
Un must donc, et encore un coup de maitre signé KYTHIBONG, pour un Tango Belge nettement moins serein que son nom pourrait le supposer, et diablement inspiré.
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TRACKLISTING:
1.Minefiels and cannonm 2. La bagarre 3. No dismissal will keep us alive 4. Providence of fortune 5. Blitz to target 6. In the ditch 7. Bounce up 8. Monosourcil 9. ABCD 10. Clean dirty water

Myspace Fordamage: http://www.myspace.com/fordamage
Site Kythibong: http://www.kythibong.org/